PIECE DE THEATRE

Vaudeville

par Pierre BRANDAO

HERMAPHRO - DITES ? ? ?

Suite 6 et fin.


SCENE 5

LE PERE , ROGER, IRENE


ROGER
: Bien joué, Papa ! Ca a encore marché !

IRENE : Déjà qu'il est généreux, alors payer deux fois sa visite sans qu'il s'en rende compte, c'est fort !

LE PERE : Et c'est encore meilleur car il paie deux fois en liquide donc aucune trace !

IRENE : S'il savait en plus que nous connaissons parfaitement son nom et sa situation, il serait vert !

LE PERE : C'est pour cela qu'il ne faut rien dire... du moins pendant quelques temps encore ...

ROGER : Tu n'en auras jamais assez

LE PÈRE : Il faut bien que je compenses d'une manière ou d'une autre ma perte de revenus ; j'ai décidé d'arrêter mon activité pour vous gérer ... Alors je fais travailler ma tête. J'ai tort ?

ROGER : Non, bien sûr, seulement avec les gains obtenus, nous pouvons vivre uniquement avec les intérêts dégagés.

IRENE : Roger a raison. Il faut se faire oublier maintenant, car si nous voulons recommencer une vie normale dans nos nouvelles peaux, c'est nécessaire. Si vous saviez comme j'ai hâte d'être à cent pour cent homme, et courir les filles !

ROGER : Il y en a certains qui vont être déçus

IRENE : A ce propos, quelle heure est-il ? Pascal ne devrait pas tarder à venir. Il voulait me dire des choses importantes. le

ROGER : Il est quinze heures. Tu penses encore à lui, malgré tout ce qui te répugnait dans son comportement ?

IRENE : Disons … que la donne a changé… Pascal a le mérite d'être un homme qui sait s'assumer, alors que Claudine m'a purement et simplement trompée, uniquement attirée par des circonstances qui pourraient la servir… J'ai subi un sacré coup, là, et sur le plan sentimental, je ne sais plus très bien où j'en suis..

ROGER : C'est pas dans le cœur que ça se passe les sentiments... plutôt entre les deux jambes ...

IRENE : Idiot.

(on sonne)

Je vais ouvrir, parce que si je compte sur toi, tu vas mettre une heure ... bibendum !

 

SCENE 6

LE PÈRE, ROGER, IRENE, LA MERE


IRENE : Ca par exemple ! Quelle surprise ! Bonjour Maman !

LA MÈRE : Bonjour ma fille. Que je suis émue de te voir ! J'ai failli ne pas te reconnaître avec tes moustaches !

IRENE : Dans pas longtemps, tu pourras m'appeler Claude ! Je serai véritablement un garçon, un vrai de vrai !

LA MERE : Claude ? Quelle bizarrerie ! Je pensais avoir tout entendu dans cette maison, mais là, franchement, ça dépasse tout. Et pourquoi pas Bertrand !

IRENE : C'est par égard pour toi que j ai choisi ce prénom androgyne, maman, pour que tu aies moins de mal à t'y faire. Mais je suis heureuse de te voir, très heureuse ! Tu restes définitivement, j'espère !

LA MÈRE : Je reste, oui, mais pas pour VOUS. Bonjour Roger, bonjour, lâcheur, homme cupide !

LE PERE : C'est bizarre ... je me sens visé...

LA MERE : Oui, c'est bien à toi que je m'adresse : préférer l'odeur de l'argent à la raison, préférer le billet à l'héritage de la famille ; honte à toi qui te pourrit par le fric, et qui pourrit en même temps notre cercle intime ! Grand-mère et grand-père s'en retourneraient dans leur tombe s'ils savaient ça ! Et moi, qui comme une idiote, ne leur ai rien avoué !

LE PERE : Que veux-tu que je te dises ? Ce n'est pas ma faute si les enfants ont pris ces graves décisions ! Je n'ai fait que mon devoir de père : conseiller et manager leur avenir ...

ROGER : Attends, maman, comment va-t'on leur annoncer la naissance du bébé, si tu ne l'as pas déjà fait ! Ils vont en faire une tête !

LA MÈRE : J'ai tout réglé, car moi, je suis consciente et réfléchie et même qu'un berceau attend ton rejeton chez tes grands-parents. Je leur ai dit qu'il s'agissait du bébé d'Irène, et qu'elle était incapable de s'en occuper lorsqu'il naîtrait.

IRENE : Merci pour moi !

LA MERE : Tais-toi, fille ingrate ! Tu as raté ta chance : jamais tu ne vivras ce bonheur d'enfanter ...

IRÈNE : Enfanter dans la douleur ? Merci, je ne suis pas maso ...

LA MÈRE : Tu ne sais pas ce que tu racontes ... La fibre maternelle n'est jamais coupée, et ce que je ressens, tu ne peux le comprendre. Aussi je préfère m'occuper du petit de Roger, car au moins je saurai le rendre plus raisonnable que vous.
Maintenant, si vous me le permettez, je vais ranger mes affaires dans ma chambre. Et je suppose qu'il me faudra préparer le dîner, n'est-ce pas ?

LE PÈRE : C'est à dire ... que j'avais l'intention de commander des pizzas ...

ROGER : Comme d'habitude depuis que tu es partie, maman ...

LA MÈRE : Ah, je vois. Et Irène, toujours aussi bonne cuisinière, les fesses posées sur le canapé ! C'est vraiment honteux !

IRÈNE : Ce n'est pas le rôle des garçons que de préparer le repas…

LA MÈRE : Je préfère ne pas insister ...

(elle sort).



SCENE 7

LE PERE, ROGER, IRENE

 

ROGER : Super ! on va enfin pouvoir manger quelque chose de bon qui ne ressemble pas à de la pizza !

LE PERE : Oui, on aura au moins gagné ça.

IRÈNE : J'avais peur d'une chose, moi, c'est de retrouver des olives à la place des yeux, pour ton bébé, Roger! Imagine s'il est tout rouge et qu'il sente l'anchois !

LE PERE : Arrête de le taquiner, Irène ...

IRENE : Claude ! Papa, appelle-moi Claude !

LE PERE : Oui, Claude ... mais n'empêche, arrête de le taquiner. Les anchois, c'est moi qui les aime. Si le bébé devait sentir quelque chose, ce serait uniquement la moule, vu toutes les pizzas aux fruits de mer que ton frère a englouties ...

ROGER : C'est malin...

IRENE : Quant à moi, je ne me reproche rien, puisque je n'aime pas les pizzas ...

ROGER : C'est pour cela que tu as les muscles flasques ...

IRENE : Pardon ?

ROGER : Mais oui Puisque tu ne peux plus t'entretenir, vu ta transformation en cours, tu as pris pas mal de graisse ! Regarde tes biscottos : on dirait des sandwichs Mac Donald's ! Ca dégouline de partout !

IRENE : C'est pas vrai

LE PERE : Non, il exagère, Irène ... Heu, Claude... Mais si tu peux me laisser un peu de salade ...

IRENE : Vous me donnez la nausée…

ROGER : C'est marrant, ça ! Elle veut devenir un homme, un vrai, un dur ! Et pourtant elle s'exprime toujours comme une petite fille. Ca fait un sacré mélange !

IRENE : Je vais prendre des cours de masculination, ça te fera avaler tes méchancetés par ton nombril !

LE PERE : Taisez-vous un peu ! Vous devriez être content que votre mère soit revenue. De plus, elle nous retire une sacré épine du pied concernant l'avenir du bambin. Et là elle s'attendait certainement pas qu'on n'ait rien encore prévu pour son arrivée.

ROGER : Je lui fais confiance, dans trois jours, cette salle ressemblera à une pouponnière ...

IRENE : Ca je m'en moque. Car j'ai décidé de prendre un appartement en ville, dès que ma mutation sera complète.
(on sonne)
Quinze heures trente… une demi-heure de retard : ce ne peut être que Pascal…

LE PERE : Attends avant d'ouvrir Il est encore possible que ce soit d'autres visiteurs ; il vaut mieux que tu t'asseyes et que tu mettes ton masque ! Allez, dépêche-toi !

IRENE : Très bien. Voilà. Tu peux ouvrir maintenant.

 

SCÈNE 8

LE PERE, ROGER, IRENE, PASCAL


LE PERE : Bonjour monsieur. Vous désirez ?

PASCAL : Voir Irène.

LE PERE : Bien sûr. Cà fait mille cinq cent francs.

IRENE : Papa ! C'est Pascal !

LE PERE : Je sais ; mais j'ai bien le droit d'essayer, non ?

PASCAL (regardant autour de lui) : Fichtre ! Ca a bien changé depuis le temps que je ne suis pas venu ! Alors, c'est ainsi vrai ! Votre père vous utilise à des fins financières ! Je le croyais cupide, pas exploiteur ! Et apparemment, les affaires ont bien marché ! A quand la maison sur Beverley Hills ?

LE PERE : C'est déjà fait, qu'est-ce que vous croyez ?

PASCAL : Mais pourquoi êtes-vous encore là ?

LE PERE : Aux Etats-Unis, ils sont habitués et neutres sur tout ce qui concerne l'extravagant et le paranormal. Tandis qu'en France, les gens n'hésitent pas à dépenser une fortune pour venir satisfaire leur curiosité. Aujourd'hui Roger devrait mettre au monde l'enfant. Après quoi, nous nous envolerons dès son retour de maternité pour notre nouvelle destination.

IRENE : Si mère le veut, papa, si mère le veut. Pouvez-vous me laisser seule avec Pascal ? Nous avons à parier sérieusement ...

LE PERE : Bien sûr, Roger et moi te laissons cinq minutes. Va dans ta chambre, Roger, je pense que tu pourras t'allonger, ça ne te fera pas de mal avant de partir pour la clinique. Moi, je rejoins ta mère ... Il faut bien que je me réconcilie avec elle ...

(ils sortent)


SCÈNE 9

IRENE, PASCAL


IRENE : Bonjour, Pascal, je t'attendais ; tu as été bien long dis-moi !

PASCAL : C'est à cause des journalistes en-bas. Il y a foule. Impossible de progresser normalement... Je te dis pas : il a fallu que je réponde à une bonne quinzaine de questions ...

IRENE : Des questions ? De quel genre ?

PASCAL : Rien d'important... Il voulait absolument savoir comment tu étais faite avant ... Je leur ai donné des détails, mais ça ne leur a pas suffi ... J'en ai eu marre alors j ai passé aux grands moyens...

IRENE : Ce qui veut dire ?

PASCAL : Une photo. Je leur ai donné une photo de toi. En maillot, tu étais très belle dessus. Ces salauds me l'ont arraché des mains ces salauds ; c'était la seule de toi que j'avais.

IRENE : Tu leur as donné ma photo ! Mais je vais l'étrangler ! Ce n'est pas vrai ! Tu n'as pas osé faire ça !

PASCAL : Pourquoi ? Il ne fallait pas ? J'ai trouvé que c'était plus simple !

IRENE : Idiot Pourquoi crois-tu que je porte un masque ! Si toutes les nanas me reconnaissaient, elles sauront vite faire le rapprochement ! Et je n'aurai plus que la veuve poignée à courtiser ou encore à me faire homo !

PASCAL : Ben, moi, en fille ou en mec, je ne te trouve pas si mal ... même à mon goût ...

IRENE : Pardon ?

PASCAL : Oui, enfin, c'est délicat d'en parler ici...

IRENE : Ils sont tous partis...et les murs sont bien insonorisés. Mais précise le fond de ta pensée ...

PASCAL : Tu sais que j'ai toujours eu des sentiments pour toi... et malgré ton désir de devenir un homme, mes sentiments n'ont pas changé... Je dirai même qu'ils se sont renforcés, car subjugués de par ta force de caractère et ta volonté d'abattre les tabous ...

IRENE : Tu veux dire... que tu m'aimes pour moi ... et non pour mes fesses ?

PASCAL : C'est ce que je ressens, oui ... mais je croyais que tu le savais…

IRENE : Ca alors ! Ca alors !

PASCAL : Quoi donc ?

IRENE : J'ai toujours eu des sentiments également pour toi, mais je croyais que la seule chose qui t'intéressait, c'était de passer une nuit avec moi ... et aujourd'hui, je me rends compte que je me suis trompée ...

PASCAL : Ce n'est pas grave ... Nous pouvons peut-être tout recommencer ...

IRENE : Mais le processus est irrémédiable ... Jamais je ne redeviendrai une femme ! Maman avait raison ! J'étais idiote ! J'étais persuadée que la gente masculine ne me considérerait que comme chair à vice, comme femme-objet ! Et voilà qu'aujourd'hui tu te décides à m'avouer ton amour sincère ! Je te hais ! Je te hais parce que tu me dis trop tard ce que j 'aurai voulu entendre il y a seulement quelques mois ! Je te hais, je te hais tant parce que je t'aime trop !

PASCAL : Tu as dû souffrir dans le passé pour manquer ainsi de confiance en nous, les hommes ... Je ne sais pas trop au juste ce qui te pousse à nous haïr, mais j'aimerai tant te faire oublier ces raisons obscures pour moi, que tu sois femme ou que tu sois homme, qu'importe ! Puisque c'est ton cœur et non ton corps qui m'attire ! Et quand bien même physiquement tu ne pourras avoir d'enfants, je ne t'en aimerai pas moins. Je te le promets : tant que tu resteras cet être sensible, plein de volonté et de vie, j'accepte d'avance les moqueries de notre entourage, et j'assume mon choix, qui se résout en un seul mot : Toi.

IRENE : Mais maman avait tout de même raison. Elle n'a jamais voulu ce changement, et moi idiote que je suis, sous le prétexte d'une majorité légale, je ne l'ai pas écoutée. M'en voudras-tu un jour si j'acceptais ton amour ? Certainement, mais je crois désormais que mon désir est plus fort que la bêtise, et qu'à deux nous pourrons vaincre l'avenir.

PASCAL : Je suis heureux, heureux. Je viens de louer un appartement, un trois pièces : accepterais-tu de l'occuper avec moi ?

IRENE : C'est super, Pascal, ma tendresse. Va, maintenant, va meubler le coin de nos futures amours ; voici cinquante mille francs, dépense le pour tout ce dont nous allons avoir besoin, je te fais confiance pour les choix. Je te rejoindrai aussi vite que possible. Roger part bientôt pour la clinique, et je tiens à être la pour connaître le sexe du bébé. A l'échographie le médecin n'a pas pu voir à cause de la position du bébé. Alors j'aimerai savoir si je suis la tante d'un fripon ou d'une chipie, tu comprends ? Donne-moi l'adresse, et je viendrai dès que ce sera terminé pour Roger.

PASCAL : Je fais tout ce qui te fera plaisir, tiens, prends cette carte, l'adresse est dessus. Puis-je t'embrasser, ne serait-ce que pour mieux apprécier l'odeur de tes lèvres sensuelles...

IRENE : Mes lèvres n'ont plus grand chose de sensuel, mais si tu y tiens…

(ils s'embrassent)

C'est bizarre... vraiment étrange... Je suis en train de devenir un vrai mec, et pourtant quand je t'embrasse, j'ai vraiment l'impression de te recevoir en tant que femme ...

PASCAL : Tu resteras pour moi, comme tu l'es au fond de toi-même, une femme… A condition que tu te rases la moustache ! Le physique n'est que l'apparences, seule l'âme est importante et si Je t'embrasse, ce n'est pas réellement les lèvres que je touche, mais ton âme qui s'associe à mon âme. Notre amour est aussi pur qu'une passion dite "normale".

IRENE : Tu commences à me faire mal à la tête ... Mais je te crois, puisque tu le dis ... Allez, va préparer notre nid, mon amour ! j'arriverai certainement en soirée ...

PASCAL : J'y vole !

(il sort)

 


SCENE 10

IRÈNE, LE PÈRE, LA MÈRE


LE PÈRE : Alors, les complots sont terminés ? Tiens, il est déjà parti ? Tu lui as pris quelque chose, j'espère. Car ça fait déjà la deuxième visite que tu fais gratis aujourd'hui Si ça continue, je te déduis de ta part ces gains perdus !

IRENE : Tu fais ce que tu veux, Papa, mais sache déjà que je n'irai pas avec vous en Amérique...

LA MERE : Alors c'est vrai ? Tu as vraiment l'intention de partir là-bas ? Superbe ! Pour une fois, tu as une bonne idée !

LE PÈRE : Bien sûr, j 'ai toujours eu de bonnes idées. Quant à toi, Irène, je ne sais pas pourquoi tu changes d'avis, mais libre à toi. Tu es riche, ton incognito a été jusque là préservé du grand public, mais si tu prends le risque d'être découverte, tu ne t'en prendras qu'à toi-même. D'autant plus que nous serons loin, donc nous ne pourrons rien faire pour toi. OK ?

IRÈNE : Ca me va parfaitement. Tu me donnes ma part et tu n'entendras plus parler de moi ...

LE PERE : Non pas que je te renie, vois-tu, mais il faut que nous continuions à assurer la discrétion, pour le bonheur et l'avenir de Roger ...

IRÈNE : Je sais, Papa, ce n'est pas la peine de me faire la morale. Surtout pour cacher ton incapacité à éprouver de nobles sentiments, tels la paternité, l'amour de ses enfants, le souci de bonne éducation ...

LA MERE : Et je rajouterai tout de fois l'ultime désir de tirer profit d'une situation qui ne le regarde pas ! Mais maintenant, c'est du passé, et qu'on le veuille ou non, dans quelques heures nous serons grands-parents. Et ce n'est pas Roger qui pourra le mieux s'occuper du petit. Où se trouve t'il d'ailleurs ? A t'il préparé son trousseau ? Et sa valise ? Oui. Et bien, on peut dire que c'est un miracle que vous ayez pensé à ce minimum…

IRENE : Il est dans sa chambre ... et je crois que tu peux aller le chercher, car il y a un vacarme dans l'escalier ... Ce ne peut être que les brancardiers suivis des journalistes !

LA MERE : Va l'avertir ! Je vais les faire entrer ! Aide-moi ! Refoules les journalistes ! On n'a pas besoin de paparazzis içi !

LE PERE (poussant la porte après avoir fait pénétrer les brancardiers et Claudine) : Le pire, ce sera pour ressortir ! Il faudrait les appâter avec quelque chose ou quelqu'un d'important ! Qu'est-ce qu'elle fiche avec les brancardiers, celle-là ? ? ?

 

SCENE 11

LE PÈRE, LA MÈRE, ROGER, IRENE, LES BRANCARDIERS, CLAUDINE

CLAUDINE : Bonjour tout le monde !

(elle court s'installer bien tranquillement sur le divan)

BRANCARDIER 1 : Mais c'est un véritable marathon pour venir chez vous ! Alors, là, j en reviens pas Nous sommes chez qui, pour qu'il y ait autant de photographes !

BRANCARDIER 2 : J'en sais rien, mais apparemment, c'est pas une famille de stars, ils ont l'air pas assez débiles pour ça ...

LA MÈRE : Il faut prendre cela pour un compliment ou quoi ? Vous ne lisez pas les journaux, Messieurs ?

BRANCARDIER 1 : Moi, à part la page des sports ...

BRANCARDIER 2 : Moi, jamais ... Je laisse ma femme me raconter les derniers cancans, ça me suffit...

LA MERE : Alors vous avez entendu parler du garçon qui était enceint ? Et bien, je vous le présente le voilà. Mais vous excuserez son déguisement, vous comprendrez aisément qu'il ait envie de rester inconnu...

BRANCARDIER 2 : Alors donc, ce n'est pas des racontars ? Quand Bobonne va apprendre que c'est moi qui ait transporté le PD en cloque, elle va bien rigoler

ROGER : Ah, non ! Pas PD !

BRANCARDIER 2 : Vous rigolez, non ! Vous vous êtes fait une insémination artificielle, juste pour voir peut-être ! On ne me la fait pas, à moi !

LE PERE : Laisse tomber, Roger, tu n'as pas à rendre des comptes à ces messieurs. Ils sont là pour te transporter, pas pour se moquer. Alors je vous prie messieurs d'exécuter votre travail soigneusement, et d'emmener mon garçon à la clinique.

BRANCARDIER 1 : Très bien, très bien, ne vous fâchez pas ! Et excusez mon collègue, il a la langue bien pendue ; à force d'écouter les bobards et les chicaneries de sa femme, ça déteint sur lui. Allez ! On va vous l'emmener, votre fiston ! Le plus dur sera de traverser la horde dehors.

(Roger s'installe sur le brancard, masqué)

BRANCARDIER 2 : Tu peux y aller quand tu veux, je suis prêt.

BRANCARDIER 1 : Prêt ? A la une, à la deux, à la trois ... Hop…

(il fait un faux mouvement, et le brancard avec son contenu se renverse)

LE PERE : Non mais vous êtes fous ! C'est ma fortune que vous êtes en train de basculer là ! Et vous vous dites professionnels ! He.. pas trop de mal Roger ... le bébé n'a rien ???

ROGER : Non, mais je crains vraiment le pire ... Si ça continue, ils vont me faire tellement peur que j'en accoucherais sur place !

BRANCARDIER 1: Ne vous en faites pas, on va vous l'emmener en un seul morceau... et il ressortira en deux parties ! Ca peut arriver, un dérapage ... Hop ! Aidez-nous à sortir ... merci !

LE PERE (poussant la porte et faisant reculer les journalistes) : Dégagez ! Dégagez !

(mais il n'arrive pas à faire de la place)

Ca va être plus difficile que prévu...

BRANCARDIER 2 (posant le brancard) : Attendez, je sais comment faire. Où se trouve votre téléphone ?

LE PERE : Oui, oui ... Tenez, là, sur le guéridon ...

BRANCARDIER 2 : Ma femme a lu ça dans un canard, je ne sais plus le nom... Allô ! Je suis bien au journal à sensation Ici Paris ? Bonjour ! J'ai une information urgente à vous communiquer : Au 30 avenue de Iénarienàfiche, passage de la Callas CHNIKOV, l'interprète du dernier ballet russe… Dépêchez-vous ! Il n'y aura pas de place pour tous les photographes !

(il raccroche)

LE PERE : Vous croyez que ça va marcher ?

BRANCARDIER 2 : Dans trois minutes, ils seront tous partis ...

IRENE : Excusez-moi de vous interrompre, mais cette rue, où est-elle ? je ne la connais pas ...

BRANCARDIER 1 : C'est normal, monsieur ... mademoiselle... Elle n'existe pas ... C'est vous la fille-homme ?

BRANCARDIER 2 : Ca alors ! Travestie, ou réellement en mutation ?

LE PÈRE : Ecoutez, vous en savez assez ! Il n'y a plus personne dans le couloir ; alors emmenez-moi Roger tout de suite à la clinique, sinon je vous fais payer un droit de visite, soit trois mille francs chacun !

BRANCARDIERS : Je crois que c'est clair ! Allons-y !

(ils prennent Roger, et sortent)


SCENE 12

LE PERE, LA MÈRE, IRÈNE, CLAUDINE

 

LA MERE : Dis donc, il était temps qu'ils l'emmènent ! Tu ne m'as pas dit que l'opération avait lieu à quatre heures trente ?

LE PERE : Si, dans un quart d'heure. Mais je pense qu'il arrivera à temps. D'après le médecin, nous serons fixés vers cinq heures, car l'opération est rapide. C'est après coup que c'est plus long, ils risquent de garder Roger en observation durant quinze jours ...

CLAUDINE : Ce qui me laissera largement le temps d'encaisser…

LE PERE : Pardon ?

CLAUDINE : Je reviens de voir mon avocat ; il est clair que je suis à cinquante pour cent responsable de ce qui arrive à Roger. Donc vous me devez cinquante pour cent de tout ce qui a trait à mon enfant. Car c'est bien beau de décider de faire tout ce business, mais vous n'avez à aucun moment obtenu l'accord du géniteur, c'est à dire moi !

LE PERE : C'est pas vrai !

CLAUDINE : Et si !

LA MERE : Qu'est-ce que ça peut faire ! Même pourrie avec l'argent, vous seriez incapable de vous occuper de l'enfant !

CLAUDINE : C'est bien pour ça que je suis ici aujourd'hui : pour fixer un montant forfaitaire, car j'imagine qu'une grosse partie du magot a déjà été dépensée, non ?

LE PERE (gêné) : C'est à dire que…

CLAUDINE : Je m'en doutais ! Alors je vais être très claire : vous me remettez cinquante mille francs et je vous laisse les droits entiers sur ma paternité.

LA MERE (interdite) : J'ai vraiment du mal à entendre ce qui se raconte ici…

LE PERE (comptant et disant tout bas) : Ca, c'est une aubaine ! Si elle savait réellement ce que cette histoire nous a rapporté !

(tout haut, s'adressant à Claudine)

C'est d'accord ! Mais pour l'instant, nous allons attendre d'avoir des nouvelles de Roger. Je ne garde pas d'argent liquide ici, tu me comprends

CLAUDINE : Pas de problèmes, je ne suis pas à cinq minutes !

LA MÈRE : Parfait ! Ca me laisse le temps de préparer les bagages et de régler quelques affaires ... Et toi, Irène, tu n'as toujours pas changé d'avis ? Ca me ferait plaisir que tu sois avec nous...

IRÈNE : Ne t'inquiètes pas pour moi ... Je viendrai vous voir de temps en temps avec Pascal, là-bas.

LA MÈRE : Très bien : avertis-moi à l'avance pour vous préparer vos chambres ...

IRENE : Oh, une seule suffira ... Je pense que je vais voir un chirurgien pour voir s'il est encore possible pour moi de rester une femme, telle que j'aurais dû rester…

LA MERE : Alors, tu avoues enfin que j'avais raison…

IRÈNE : Oui, j'ai été idiote. Jamais je n'aurai pensé que Pascal m'aimait pour moi, et non uniquement pour mon physique. Il a fallu que je passe par là pour m'en rendre compte…

LE PERE : Plains-toi de l'amour qu'il te porte !

IRÈNE : Oh, toi ! Tu ne m'as jamais autant aimé que depuis que je te rapporte de l'argent, alors s'il te plait, pas de remarques grotesques !

LE PÈRE : Ca ne te va pas ta mutation ! tu es pire que quand tu avais tes règles ...

IRENE (boudant) : Bon, puisque c'est ainsi, je me tais.

(elle prend un livre et s'assied)

LA MÈRE : C'est long ! tu ne trouves pas !

LE PÈRE : Oui, mais que veux-tu ! Ca ne se fait pas comme ça

(Silence. Le père s'approche d'Irène, jette un coup d'œil par dessus son épaule)

Tu aurais pu choisir un livre avec au moins quelques jolies femmes

LA MÈRE (marchant de long en large) :Que c'est long ! Que c'est long ! J'espère qu'il aura une fille !

LE PERE : Moi, je préférerais un garçon ! Mais un vrai ! Qui saura qui fréquenter sans se tromper !

LA MÈRE : Bien sûr ! Comme tu l'as fait pour Roger ! Et bien non, il faut que ce soit une fille ! Que j'éduquerais à ma manière !

LE PÈRE : Bien sur ! Comme tu l'as fait pour Irène Et bien non, Il faut que ce soit un futur homme, pour perpétuer la race de mon nom !

LA MERE : Une fille

LE PERE : Un garçon !

LA MERE : Une fille !

LE PERE : Un garçon !

LA MÈRE : Une fille !

LE PERE : Une fille !

LA MERE : Un.. un garçon

LE PERE : Bon, d'accord. Un garçon !

IRENE : Mais taisez-vous ! Ca sera ce que la nature décidera ! Vous êtes pire que Roger et moi-même quand nous nous chamaillons ... Et vous voulez élever le bébé avec cette mentalité ! Ah c'est joli !

CLAUDINE : En cela, Irène n'a pas tort !

(on sonne, téléphone)

IRENE : Tenez, on va le savoir, maintenant.

(elle décroche)

Allô ? Oui, c'est bien ici. Déjà ? Et bien il est pressé d'affronter cette famille de fous ! Alors, qu'est-ce que c'est ?

Pardon ? un ... D'accord ! Quoi ? En plus ! Merci, merci de tous ces renseignements !

(elle raccroche, un superbe sourire au coin des lèvres)

On ne peut pas dire qu'il soit contrariant ...

LE PERE, LA MÈRE : Alors ? C'est un garçon ? C'est une fille ?

IRENE : C'est un hermaphrodite ! Noir !

TOUS ENSEMBLE, regardant et pointant du doigt Claudine : MENTEUR !


(tombé de rideau final)