..................................CALLINIRA
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Parler de moi m'est difficile et on me trouvera bien mieux dans mes poèmes (encore que la chose rêvée s'y mêle souvent à la chose vécue) que dans les lignes qui suivent. Tout me semble, en effet, si banal ...

Poésie, romans, journaux intimes... j'ai toujours eu un crayon à la main depuis l'âge de huit ans. J'avais abondonné, toutefois, la poésie pour le roman et c'est un ami qui, il y a six mois, m'a fait retrouver l'envie et le plaisir de m'y remettre. Les romans ? J'en ai écrit sept, trois ont été publiés.

Que pourrais-je dire d'autre ? J'aime l'aquarelle, la marche, la nature, le silence, la tranquillité, le matin, le printemps, la jeunesse. Je lis encore , mais beaucoup moins qu'autrefois. Une de mes occupations favorites : méditer sur le temps qui passe devant la mer, les arbres ou la montagne. Je vous avais bien dit que c'était d'une écoeurante banalité...

Ah ! j'allais oublier : j'ai enseigné les lettres et je suis retraitée.

 

SOMMAIRE

Le sonnet
Sois jaloux
Quand je ne serai plus
Naufrage
Cris
Le remords
Je ne te dirai pas
Hélas il n'est plus temps
Il a plu sur ta tombe
Carpe diem
Bouquet italien
C'était un matin gris
Orphée
Pantoum
Pantoum (2)
Elegeia
Je ne vois personne
Panique
Cette rue du Marais
La rentrée des classes

 

LE SONNET

Encor tout parfumé des brises de Sicile,
Beau comme un temple grec contre un ciel outremer,
Brillant dans le soleil, il a franchi la mer
Et s'est épanoui au pays de Virgile.

L'un, non loin de Kymé où s'endort la Sibylle,
Cisèle, purs joyaux, les vers de ses Chimères.
L'autre chante, maudit, les amours délétères
Et l'émoi sulfureux de coupables idylles.

Par-delà les années, se lasse-t-on d'entendre
Ou la mort de Marie, ou l'amour de Cassandre
Et le petit Liré du poète angevin ?

Les conquérants se ruent vers leur Eldorado
Et Nerval a jeté, sublime, fou, divin,
Le cri non égalé de son Desdichado.

 

 

SOIS JALOUX

Sois jaloux. Je veux voir dans tes yeux qui se plissent
Et tentent de cacher mais sans y parvenir
Cet éclair assassin que tu veux retenir
Mais que j'ai entrevu et qui fait mes délices.

Sois jaloux. Pose-moi la question que tu glisses
Incidemment, craignant de m'entendre mentir,
Moi qui ne te mens pas et mon éclat de rire
Peut-être te dira que tes pleurs me ravissent.

Tu ne sais pas combien ton tourment me rassure.
J'ai dans le coeur, tu sais, tant d'anciennes griffures
Qu'il te faut m'aimer trop, ce sera juste assez.

Quand je te vois pensif et le regard perdu
Dans ce rêve intérieur qui ne m'appartient plus,
Je suis comme un dessin que l'on vient d'effacer.

 

 

QUAND JE NE SERAI PLUS

Quand je ne serai plus pour toi que souvenirs,
Quelque livre, un refrain, une ou deux aquarelles,
Des sonnets retrouvés, par hasard, pêle-mêle,
Et ce quatrain du chat qui t'avait fait sourire,

Quand je ne serai plus que cet ancien délire,
Une fenêtre ouverte, un soir, sur l'Estérel,
Une mer indigo que le soleil d'or nielle,
Un chemin parfumé que la nuit va bleuir,

Quand je ne serai plus qu'une larme fugace,
Une prière, un pleur, un projet, une trace,
Quelque chose qui fut comme un espoir trahi,

Tu resteras pour moi celui dont la tendresse
Avait su patiemment effacer la tristesse
Qui depuis si longtemps défigurait ma vie.

 

 

NAUFRAGE

Déchire avec douceur le frêle conopée.
Qu'importe, mon amour, que tu sois sacrilège,
Laisse frémir en toi l'enivrant sortilège
Et rythme mon plaisir de ton chant syncopé.

Fais naître en naviguant la tendre mélopée
Que tu viendras cueillir sur ma lèvre. Que n'ai-je
Mille bouches pour toi, et toi, ardent stratège,
Dirige de tes mains ma danse chaloupée.

Quand la vague viendra, nous roulerons ensemble
Dans l'écume jaillie où la lumière tremble.
Nous retiendrons le temps l'espace d'un moment,

Puis ouvrirons les yeux, allongés sur la plage,
Immobiles et las comme après un naufrage.
- Notre barque s'éloigne, irrémédiablement.

 

 

CRIS

Les plus beaux cris d'amour ont tous une musique
Qui n'appartient qu'à ceux qui ont su les jeter.
C'était le temps radieux des tendres voluptés
Mais les rires déjà sonnaient mélancoliques.

Je savais lui chanter la plainte mélodique
Qu'il n'a jamais comprise. Aujourd'hui, telle Até,
J'expie. Mon cri est sourd. Mont chant épouvanté
N'a jamais retrouvé la transparence antique.

Mais si près de la nuit que je sois parvenue,
Un cri de rage enfin trop longtemps retenu
Jaillira, victorieux, de ma lèvre rebelle.

Je veux, telle Atalante, haletante, égarée,
Retenant dans ses bras le fils de Mégarée,
Profaner de mes cris le temple de Cybèle.

 

 

LE REMORDS

Non, le jour n'est pas là, tu peux rester encore.
Parle, raconte-moi ce que tu as été,
Et moi je te dirai la légende d'Althée
Qui s'est, un jour, pendue, broyée par le remords.

Althée la douloureuse, écrasée par le sort,
Qui fit périr le fils qu'elle avait enfanté.
Je n'ai jamais trouvé la source de Léthé
Qui pouvait endormir l'ennui qui me dévore.

As-tu aussi au coeur une ancienne blessure
Qui se réveille encor, parfois, et te torture ?
Oh ! comme les erreurs encombrent les mémoires.

Nous avons tous, je crois, un jour de déraison,
Jeté dans l'âtre noir le précieux tison
Et accompli - hélas ! - la prophétie des Moires.

 

 

JE NE TE DIRAI PAS

Ce soir, je t'entendrai, peut-être, au téléphone.
Ta voix, venue de loin, douce, demandera
Ce qu'aujourd'hui j'ai fait. La mienne répondra
En regardant voler les feuilles de l'automne.

Je te dirai le vent, l'eau du thé qui frissonne,
Le livre lu hier que demain tu liras,
L'aquarelle achevée, la toile d'épeira
Que j'accroche en marchant dans la forêt d'Arbonne.

Je ne te dirai pas l'ennui des longs dimanches,
La goutte d'eau glacée qui pend au bout des branches
Et coule sur ma joue. Ni le froid, ni la pluie.

Je garderai pour moi mes soirées sans caresses,
Mes espoirs en morceaux, mes regrets, ma détresse
Et mes yeux grands ouverts qui questionnent la nuit.

 

 

HELAS, IL N'EST PLUS TEMPS

Il est encor temps, viens. Un jour évanescent
Eclaire doucement le ciel qu'il opalise.
Brise tes chaînes, viens. Souviens-toi de Venise
Où tu m'avais promis des jours éblouissants.

Il est encor temps, viens. Le jour est bleuissant.
Les arbres ne sont plus que formes imprécises.
Ose enfin bousculer la vie où tu t'enlises.
Les lumières s'allument au café Florian.

Est-il encor temps ? Viens. Bientôt il fera nuit.
Ne te retourne pas, ferme les yeux et fuis.
A peine vois-je encor au miroir mon visage.

Hélas, il n'est plus temps et l'avenir chavire.
Un soir, je me souviens, c'est déjà d'un autre âge,
Tu m'avais dit "Promettre, c'est déjà mentir."

 

 

IL A PLU SUR TA TOMBE

Il a plu sur ta tombe et les feuilles s'amassent,
Mes doigts seront légers qui les écarteront
Comme ils faisaient jadis pour ôter de ton front
Une mèche rebelle ou l'ombre d'une angoisse.

Tu n'as pas pu, à temps, te faire une cuirasse
Et moi, je n'ai pas su te sauver des démons.
Ah ! nous laissons mourir, seuls, ceux que nous aimons.
Les roses de l'hiver fanent sur la terrasse.

Laisse chanter le vent autour de ta mémoire,
Il est doux à ton coeur, il est tendre à ton nom.
Je ne saurai jamais la fin de ton histoire.

On me dit que tu fus bien trop chéri des dieux.
Je te revois encor, pauvre petit garçon,
Le coeur à fleur de peau, le rire dans les yeux.

 

 

CARPE DIEM

"Ma douce, disais-tu, ma tendre, ma brûlante,
Souple comme une flamme au coeur d'un bois de pins,
Mon étincelle bleue, ma fleur, mon aubépin,
Piquante comme un vin qu'un poivre chaud pimente.

Le sel de ton varech que l'écume diamante,
Tes lèvres enflammées souples comme un crispin,
Et à mes doigts furtifs un gant de canepin
Profond comme une mer que la houle tourmente..."

Et nous laissions filer le temps insaisissable
Comme on laisse couler entre les doigts le sable
Sur les plages dorées où s'use le destin.

Ai-je fait mon profit du précepte d'Horace ?
Le jour, même cueilli, laisse-t-il une trace ?
Ami, quand devrons-nous faire deuil du festin ?

 

 

BOUQUET ITALIEN

Dans le coeur safrané d'un crocus d'Italie,
J'étais allée chercher le parfum de Florence.
Je n'y ai retrouvé que ton indifférence
Et dans l'eau de l'Arno ton visage pâli.

Sur le gazon mouillé une blanche ancolie
Me rappelle Aquilée, ma peine et notre errance,
Le mausolée glacé et ta dure inconstance,
Au loin, la mer livide et ma mélancolie.

Je regardais sans voir les fresques du Corrège,
Clair-obscur de ma vie, étais-je prise au piège ?
Tout avait la couleur des violettes de Parme.

Ô les petits chevaux ailés de Tarquinia
Dans l'ombre du musée où j'essuyais mes larmes...
Et nous n'avons pas fait, ce soir-là, cattleya.

 

 

 

C'ETAIT UN MATIN GRIS

C'était un matin gris, il avait plu la veille.
Je suivais tristement la via Mazzini,
Harassée par le poids d'une nuit d'insomnie
Et j'avais la couleur de ce jour sans soleil.

Je marchais à cette heure où les places s'éveillent.
Ce qui naissait pour eux, pour moi était fini.
J'avais devant les yeux leurs deux corps réunis,
Mes yeux que rougissaient les larmes et les veilles.

Des voix jeunes montaient sous les parapluies blancs,
Moi j'entendais fuser leurs rires insolents,
Pour elle, le printemps, pour moi bientôt l'automne.

Toute la nuit j'avais, dans un hôtel lépreux,
Imaginé sans fin leurs ébats amoureux
Et j'usais ma douleur dans les rues de Vérone.

 

 

 

ORPHEE

La tête qui chantait aux sables du Mélès
Saigne encore et parfois il m'arrive d'entendre
Son lamento brisé que le vent de novembre
Module en gémissant, triste appel de détresse.

Je me souviens d'un soir d'été plein de mollesse.
Quelqu'un, je ne sais qui, chantait un air si tendre
Que j'étais descendue près de l'eau pour l'entendre
Regretter ses amours et pleurer sa jeunesse.

Elle a franchi les ans la petite musique,
Désenchantée parfois, plus souvent nostalgique,
Mais toujours attentive au coeur des naufragés.

Cependant la Ménade attend l'instant propice,
Patiente dans l'ombre et prompte à se venger.
Qui n'a jamais pleuré un jour une Eurydice ?

 

 

PANTOUM

Le ciel s'est déchiré, soudain, orange et mauve.
Incertaine, j'attends que descende la nuit.
La pièce où je t'espère a des moiteurs d'alcôve
Et j'ai dû divertir tout le jour mon ennui.

Incertaine, j'attends que descende la nuit
Dans mon coeur hésitant que ton absence épuise,
Et j'ai dû divertir tout le jour mon ennui.
Je redoute qu'en nous quelque chose agonise.

Dans mon coeur hésitant que ton absence épuise,
Je sens monter - pourquoi ? - la tristesse et l'effroi.
Je redoute qu'en nous quelque chose agonise.
Nous avons peu de temps et il fait déjà froid.

Je sens monter - pourquoi ? - la tristesse et l'effroi.
Est-ce toi ? Est-ce moi ? Lequel de nous se sauve ?
Nous avons peu de temps et il fait déjà froid.
Le ciel s'est déchiré, soudain, orange et mauve.

 

 

PANTOUM (2)

Dans le brouillard nacré aux reflets d'opaline,
Des arbres, çà et là, surgissent, flavescents.
Ton pas, tout près de moi, accompagne en sourdine
La chaleur enfiévrée d'un rêve étourdissant.

Des arbres, çà et là, surgissent, flavescents.
Embrasse, le veux-tu ? ma bouche incarnadine.
La chaleur enfiévrée d'un rêve étourdissant
Nous emplira le corps d'une douceur câline.

Embrasse, le veux-tu ? ma bouche incarnadine,
Et le frémissement d'un désir renaissant
Nous emplira le corps d'une douceur câline.
Ecoute murmurer mon souffle grandissant.

Et le frémissement d'un désir renaissant
Etoilera mes yeux d'étincelles lutines.
Ecoute murmurer mon souffle grandissant
Dans le brouillard nacré aux reflets d'opaline.

 

 

ELEGEIA

Faut-il qu'à peine née toute chose finisse,
Que ce ver dans le fruit pourrisse tout instant ?
Je ne me suis jamais accomodée du temps.
Confiante, j'ai perdu. Et c'est une injustice.

Quand donc monte la lie dans le fond du calice ?
Ce qui brillait n'était trop souvent qu'argentan.
Et la boue des hivers salissait mes printemps.
Je me souviens de vous, ce matin, Bérénice.

Dans un brouillard léger, une image distorse,
L'esquisse d'un bateau qui glisse vers la Corse,
Fantomatique, lent, pesant, silencieux.

Les oliviers tordus sont gris sous ma fenêtre.
Je crois que c'est fini, nous ne pourrons renaître,
Nous sommes à présent abandonnés des dieux.

 

 

JE NE VEUX VOIR PERSONNE

Je me suis éveillée, ce matin, très amère,
Révoltée, fatiguée de tout, du genre humain.
Je ne veux voir personne aujourd'hui ni demain,
J'irai dans les rochers, en bas, face à la mer.

Je veux me retrouver, seule dans l'outremer,
Et le soleil qui blesse, et l'odeur du jasmin
Dont le vent, en bouffées, parfume les chemins,
Et jouir, s'il est possible encor, de l'éphémère.

Lasse, l'âme écorchée, les mains, les pieds meurtris,
Je m'accorde, épuisée, enfin, une férie,
Et mon regard se noie, bleu, dans la baie des Anges...

... C'est Naples que je vois, le petit bateau jaune,
Mon pauvre enfant perdu que la vie découronne,
Et les rues de Sorrente où roulent des oranges.

 

 

PANIQUE

...omnia tuta timens...(Enéide - IV - 296)

Dans un moment heureux, se pourrait-il qu'on sache
Que l'amour que l'on vit bientôt ne sera plus ?
Rien encor n'est changé, rien encor n'est perdu,
Il nous a dit "je t'aime" et déjà se détache.

Alors, plus rien, jamais. La souffrance qu'on cache
Et qu'on s'en va chercher dans tous les livres lus
Pour retrouver les maux que d'autres ont vécus,
La terreur qui nous vient de la vie qui nous lâche.

J'ai posé mon stylo sur ma feuille, un peu lasse.
J'ai pensé - quel cliché ! - à toi, au temps qui passe,
Et j'ai senti monter l'angoisse lentement.

J'ai dû, pour respirer, entrouvrir la fenêtre.
La pluie mouille ma joue et le froid me pénètre.
Me faudra-t-il, un jour, être seule vraiment ?

 

 

CETTE RUE DU MARAIS

On n'entend plus tomber sur le pavé des cours
Le bois que l'on rentrait quand l'hiver était proche.
Avez-vous écouté, tout comme moi, la cloche
De l'église Saint-Paul à la tombée du jour ?

Je me plaisais parfois, quand j'avais le coeur lourd,
A vous imaginer franchissant votre porche.
Le vernis du Japon que la lumière accroche
Etendait ses bras tors et verdissait le jour.

Vous redoutiez l'hiver, j'abhorrais les dimanches.
Quelque part , dans le froid, on clouait quelques planches.
Un cercueil ? Aujourd'hui, cela ne se fait plus.

Mais l'angoisse toujours monte quand vient le soir.
Je pense encore à vous, mais ne veux pas revoir
Cette rue du Marais où ma vie s'est perdue.

 

 

LA RENTREE DES CLASSES

Alors, tout semblait neuf et frais, plein de promesses,
Les arbres étaient roux et le soleil brillait.
Le portail entrouvert, la troupe s'égaillait
Et sous les marronniers attendait la maîtresse.

Tout était nouveauté. Or, ce jour-là, Agnès,
Nous poussant à l'écart de celles qui piaillaient,
Nous confia - je revois son oeil qui pétillait -
"Vous savez, j'ai des seins. Si ça vous intéresse."

Elle nous les fit voir, un matin, dans la cour,
Et nous avons glissé notre main, tour à tour,
Dans son corsage ouvert qui montrait le chemin.

Moi, mon étonnement fut leur douceur soyeuse.
Aurai-je un jour aussi, me disais-je, songeuse,
Des seins souples et doux où se pose une main ?