AGE INGRAT
Une âme crie
En son minuit
A la croisée des rides
En sa peau parchemin
Elle lit des mots vides
Où s'enfouit le chagrin
A deux, la vie coulait,
Chicanes, fêtes, peines,
La vie, tout doux, rangeait
Ses jours en file indienne
A deux, n'étaient point
vieux
Même le cur en veille !
Et voilà que l'adieu
La laisse seule, et vieille
Une âme prie
En son midi
Les enfants sont charmants
Ils apportent des fleurs
Et repartent contents
Elle a bien tu sa peur
Ne fuyez pas encor !
Sa supplique muette
Emmurée en son for
La laisse creuse et blette
Un turbulent silence
En ce grand lit désert
Immerge sa dormance
Au fond d'un puits sans air
Une âme plie
En son lundi
Le temps peine à compter
Ses heures d'infini
Le cur souffre, à penser,
Le corps fait mal, aussi
Aiguilles et crochets
Objets de créations
A dû abandonner
Sacrifiées les passions
De ses vieux doigts noués
S'échappe du néant
Quand danse la télé
Sous son regard absent
Une âme fuit
Vers son oubli
Les années au-dessus
De quatre-vingt, dit-elle
Ne sont que superflu
Que fumée de chandelle
Rêver à qui, de
quoi,
Qui ne soient du passé
Les projets les émois
Au loin s'en sont allés
Pour un cur aussi fier
Le grand âge est ingrat
Préférerait se taire
Ne plus battre ici-bas
Une âme crie
En son minuit
La nuit s'étend
Une âme prie
En son midi
Qui donc entend ?
Une âme plie
En son lundi
L'ennui la prend
Une âme fuit
Vers son oubli
Il est grand temps !
Bourges, le
15/11/2001
AIMEZ-MOI
(essai de sonnet)
Dans ses yeux clairs trébuche
un léger papillon,
Sa longue chevelure a parfum de verveine,
Sur sa bouche bleuie erre une note vaine,
Sa robe du dimanche a vertu de haillon.
Vénus de nulle part, tragique
ludion,
Vous la verrez danser, Esmeralda-déveine,
Peindra votre portrait si sa muse est en veine,
Soudain s'évanouira, ne laissant que sillon.
En corolle sa main ne retient
que le soir,
Du rêve ange gardien, généreux encensoir.
Fille du désamour, vague brouillon d'envie,
Chuchote sa supplique en timide
bonsoir
A son Dieu de la rue où l'ombre vient s'asseoir,
Aimez-moi, je suis femme et tiens en moi la vie !
14/12/2001
AVEU
(pantoum en décasyllabes)
Nous serons seuls, demain, sur la falaise,
La mer coudra de petits plis gelés,
Il est trop tard, dissipons le malaise,
Les mots font mal de n'être que volés.
La mer coudra de petits plis gelés.
Est-ce mépris ? Ton silence me blesse,
Les mots font mal de n'être que volés,
Un deuil d'aimer qui renaîtrait sans cesse.
Est-ce mépris ? Ton silence me blesse,
D'un croissant d'ombre en tes grands yeux têtus,
Un deuil d'aimer qui renaîtrait sans cesse,
Un hymne mort quand les corps se sont tus.
D'un croissant d'ombre en tes grands yeux têtus,
Je lis l'aveu que tu caches encore,
Un hymne mort quand les corps se sont tus,
Une nuit vide un matin sans aurore.
Je lis l'aveu que tu caches encore :
Des mots en croix aux accents résolus,
Une nuit vide un matin sans aurore,
Tu me diras : " non, je ne t'aime plus ! "
Des mots en croix aux accents résolus
Noieront mon cri dans la lave et la glaise,
Tu me diras : " non, je ne t'aime plus ! "
Nous serons seuls, demain, sur la falaise.
04/07/2002
CE N'EST RIEN
Dans un ultime effort
Son petit sera né.
Sur le visage en feu,
On devine un sourire,
Chaque perle de sueur
Est joie en devenir.
Soudain, souffle coupé,
Elle imagine encore :
Et s'il allait souffrir
De quelque infirmité ?
Ce n'est rien... ou si peu,
Juste un sursaut de peur !
La milice est venue.
Leurs parents sont partis,
La mitraillette au dos,
Les yeux tournés vers eux.
L'un en l'autre blottis,
Deux enfants silencieux,
Tremblant de tout leur corps,
Fixent, l'oeil agrandi,
Les tasses de café
Qui ne seront pas bues.
Ce n'est rien... ou si peu,
Juste un instinct de peur !
Trois couleurs, une flamme.
Par-devant, l'orateur
Eructe en mots de haine.
Le vieil homme, en lui-même,
Voit une autre oriflamme,
Sinistre croix gammée,
Jaune étoile de mort,
Cris de corps torturés,
Squelettes en rayures,
Et toujours cette odeur...
Ce n'est rien... ou si peu,
Juste un regain de peur !
La pendule du temps
Scande un râle assourdi,
La douleur se détend,
La froidure des doigts
Aux draps moites rivés,
Gèle tous ses d'antan,
La nuit se fait glacée.
Il en est tout surpris :
Est-ce ainsi que l'on meurt ?
C'est si bref, une vie ?
Ce n'est rien... ou si peu,
Juste un hoquet de peur !
03/05/2002
COL CLAUDINE
L'enfant en col Claudine,
Petits nuds bleus
Dans les cheveux,
Dînait d'une dînette,
D'un trop gros rien d'anorexie,
Sans envie, restait en vie.
L'enfant poids-plume
Plumait, la nuit, son oreiller,
Durant les ennuis d'insomnie,
Pactisait avec la lune,
Rêvait de tout dire à la plume
Sergent-major, de son plumier.
L'enfant petite mine,
Minée par les angines,
Mordait sa fièvre de rage,
A l'école des nuages,
Buvait ses larmes, de l'autre école
Imaginant les images.
L'enfant en blouses rapiécées,
A cloche-galoches cloutées,
Clouait ses mains sur ses frayeurs,
Butait dans les claquements de bottes,
Hurlait aux sirènes hurlantes,
Aux avions-bombes semeurs de tombes.
Enfant d'une enfance,
MON enfance,
Retourne vers la voie lactée,
Je ne t'ai pas aimée.
04/07/2002
CONTRE VENTS ET MAREES
La mer et un peu plus
L'angoisse et au-delà,
A chaque fois la vague
Plus vague au pas à pas.
Jour après nuit l'écume
Plus acide à tes doigts,
Ta vie comme reflux,
La pâleur de ta voix.
La crête de tes craintes
Aux embruns de sanguines,
Les rochers d'insomnie,
Les algues vipérines.
La marée des saisons
Sur ton front dévasté,
Ridant les sables noirs
Des hivers sans été.
Le ressac du combat,
Cabré sur l'éperon,
Ton corps livrant bataille
Au crabe des grands fonds.
A l'horizon liquide,
Le satin d'une plage
Te redonne parfois
La houle en ton rivage.
La mer et un peu plus
Pour engloutir l'effroi,
Recolorer ton âme,
La mer, et un peu moi.
20/02/02
CRUELLE
(petite ballade)
Souvent le soir, près de l'étang,
Il assoit le souvenir d'elle,
Un long frisson court en son sang,
Le fantôme bleu, de plus belle,
Encor et encor l'ensorcelle,
L'emporte au gré de son plaisir,
Rêve meurtri, poussière d'aile,
Sur la colline au fier désir.
L'Amour, ses miroirs triomphants,
Du temps volé que l'on cisèle,
Hors la Famille et les enfants,
Deux corps flambant comme javelle,
Les curs cernés, en citadelle,
De l'impossible à se choisir,
Vol suspendu de l'hirondelle,
Sur la colline au fier désir.
Entre le Devoir et l'Amant,
Broyée en son âme infidèle,
Elle monta vers son néant,
La haute tour fut son échelle,
Sombre dessein, chute mortelle,
Le laissa seul à son transir,
Au désespoir qui l'écartèle,
Sur la colline au fier désir.
Ô toi, sa clarté, sa jumelle,
Quitte ton antre de gésir,
Tends-lui la main car il chancelle
Sur la colline au fier désir.
07/03/2002
FLEUR DE VIE
Sur un marché aux fleurs, nous sommes rencontrés,
Bel endroit pour compter fleurette !
Moi dans la fleur de l'âge et vous trente ans ancrés,
Butiniez-vous une amourette ?
Les fleuristes
vantaient la coupe saisonnière ;
Tandis que fleurs vous m'offriez,
Je pendis une fleur à votre boutonnière,
Et vous riiez, et vous riiez !
Courtisant la
fleur bleue, vous m'avez baptisée
Première fleur parmi les fleurs.
Je ne savais, fleur à peine éclose, grisée,
Qu'un jour je verserais des pleurs.
Vous étiez fleur de lys pour me couronner reine,
Par la noblesse d'un beau mot,
Le dire avec des fleurs me faisait souveraine,
En moi fleurissait un pavot.
Puis nous avons
marché, puis nous avons flirté,
Vous sifflotiez "petite fleur",
Echangeant des douceurs à fleuret moucheté,
Dans les ruelles de Honfleur.
Je reçus
un baiser, des lèvres, fine fleur,
Suc exquis de fleur d'oranger,
Satin encorollé posé à fleur de coeur,
Subtil parfum de thé léger.
Ce doux baiser fleuri, vous ne l'avez pas su,
Est fleuron d'or, miel de ma vie,
Je le savoure encor les jours d'espoir déçu,
A fleur de peau, à fleur d'envie.
07/05/2002
JEUNESSE
Ecoute bien,
Toi, ma jeunesse,
Je ne veux plus toujours te plaindre,
Ecouter ton blues à rebours
Sur les temps morts de tes amours,
Je ne veux plus t'entendre geindre
Pour trois fois rien.
Regarde mieux,
Oh ! ma jeunesse,
L'âme en banlieue de nos enfants,
Les matins ouverts sur du vide,
Du rien à faire et de l'acide,
Les jours de non-vie insolents,
C'est tout pour eux.
Tout près, si loin
De ma jeunesse,
La violence et le mentir,
L'amour barbouillé de sida,
Le coeur prisonnier, les voilà
Nostalgiques d'un avenir
De saint-glinglin
Alors va t'en,
Toi, ma jeunesse,
Sur toi, ne gémis plus sans cesse,
Retourne vers ta souvenance
Dans l'écrin vert d'insouciance,
J'ai trop mal à cette jeunesse
Du temps présent.
28/03/2002
NUIT DE DELIRE
Travée d'insomnie,
Roc en fusion des douleurs,
Stridence des couleurs qui,
Sous ses paupières closes,
Implosent.
Eruption de nuit,
Cris noirs griffant le silence,
Peur, halètement de bruits
Que chaque flux de sang
Cadence.
Soudain l'âme s'allège,
Sur le feu de ses lèvres,
Une barque de mots
Echouée d'une autre rive,
Dérive.
Aube, aubade aubette
Décline l'aube du moulin,
Jeu symphonique dans sa tête,
L'aubère va l'aubin,
Aubaine !
Une aubépine auburn ?
Aubier de l'aubergine ?
Ô saveur de la daube !
Douce folie, manège,
Auberge.
A l'aube d'un sourire,
C'est l'aube qu'il respire,
Enfin !
24/05/2002
RECETTE POUR S'EVADER
A " EVASION ",
mon amie internaute
Jeter dans l'âtre éteint les souliers destinée
Refouler à pieds nus la ronce surannée
Etouffer le relent du temps évanoui
Labourer mot à mot le terreau de l'oubli
Effeuiller une fleur de cendres
devenue
Verser un pleur de miel sur l'amie disparue
Repousser l'horizon par-delà
le malheur
Taire en microsillon le tic tac de la peur
Refermer le cahier de l'antique
comptine
Déchirer le linceul de la nuit serpentine
S'arrimer au reflet d'un arc-en-ciel
marin
Ciseler l'avenir d'un visage enfantin
Baiser les doigts satin d'un
pétale de rose
Frissonner dans les plis d'un regard qui se pose
Recueillir en calice une âme
papillon
Humer une peau nue en un tendre abandon
Repeindre en tons pastels la
noire solitude
Ouvrir ses draps son corps à l'inconnu prélude
Se laisser pénétrer
par le sexe du vent
Dériver dans l'émoi du tout premier moment
Délirer en duo et pour
un temps encore
Sourire au fol amour que la Beauté redore.
A TROP REVER...
( villanelle)
A trop rêver la vie
amour s'en est allé
Fragile Nirvana redevenu mystère
En tes yeux mon beau rêve un matin s'est noyé
Le lointain devenir, à
mon regard voilé,
Sur la lune valsait, pantomime légère
A trop rêver la vie amour s'en est allé
Mon azur sur ta bouche
en tes mains ma gaîté
A trop lisser ta peau, liqueur de douce-amère
En tes yeux mon beau rêve un matin s'est noyé
Ton rire et ma folie au
couchant de l'été
Ta sève dans mon corps, nébuleuse éphémère
A trop rêver la vie amour s'en est allé
Ta beauté léonine
était ma vérité
Mon coeur bat la dérive ô félonne Cythère
En tes yeux mon beau rêve un matin s'est noyé
Des éclairs du désir
les pourpres ont fané
Du flamboyant roman pleure en moi la chimère
A trop rêver la vie amour s'en est allé
En tes yeux mon beau rêve un matin s'est noyé.
· La villanelle
était très prisée au XVIe siècle par
son rythme agile.
· Elle est formée d'une succession indéterminée
de tercets, sur deux rimes, dont le 3e vers reprend successivement
le 1er puis le 3e vers du poème. La dernière strophe
qui devient alors un quatrain reprend les deux 1ers vers.
BALLERINE
( terza rima )
Coquette ignores-tu, saupoudreuse de charmes,
Rieuse au teint de fleur, vaporeuse en tutu,
Combien, pour un baiser, il boirait de tes larmes ?
L'ambre d'un sein dressé
d'organdi revêtu,
Ta peau de vierge brune en ta nuque de reine,
Tout de toi l'éblouit, sylphide, le sais-tu ?
Il voit des astres bleus
quand la valse t'entraîne,
Des notes de cristal entend carillonner,
Savoure en son ballet ta grâce souveraine.
Il imagine un bal, un ciel
où t'emmener,
Vos bras entrelacés d'un élan pathétique,
Un archipel de mots, un seul à décliner
Tous les deux vous formez
un couple romantique,
Purs papillons d'or fin des songes les plus doux,
Ballerine tu es, d'une boîte à musique ,
Et lui petit garçon
en extase à genoux.
28/10/2002
ET LE COEUR ?
Et le cur éternue,
Meulé par les galets,
Sur la plage grenue
Des désirs enchaînés
Et le cur s'époumone
En plis accordéon,
Refermant la crémone
Sur bulles de savon
Et le cur se desquame
A lisser sa douleur,
Comme rides à l'âme,
Pleurant en Ré mineur
Et le cur s'encoquille.
Levés, les ponts-levis,
Refermée, l'écoutille,
Coraux ensevelis
Soudain le cur sursaute.
Un reflux de vigueur,
En une vague haute,
Fustige sa langueur
Et le cur s'ébouriffe.
D'un baiser reverdi,
Tendrement il s'agriffe,
Au cur-à-corps surpris
Et le cur caracole.
Aux créneaux de son mât,
S'enroule et rossignole,
Amour en son sabbat
19/01/02
ERRANCE
( Lipogramme, écrit sans la lettre " o " )
J'ai la tête en maraude,
Senteur d'épi brassé,
Humus de reine-claude,
Sur ciel dédicacé.
Dans la menthe sauvage,
Par les sentiers déserts,
Je glisse d'un nuage,
Au pas de l'univers.
Le ruisseau me salue,
Babillages nacrés,
Quand la brise ingénue
Susurre ses secrets.
J'ai la tête en cavale,
Entre hier et présent,
L'espérance en escale
Un si petit instant.
L'arbre à l'écaille
brune
Prête un flanc généreux,
Lie mes peurs une à une
Aux cernes de ses yeux.
L'épine a sa prunelle,
Le silence, sa nuit,
Je trempe ma crécelle
Dans le temps qui s'enfuit.
J'ai la tête en déprime.
A la vie qui s'en va,
Je cherche une autre rime,
Qui me la prêtera ?
22/09/2002