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..........................................................Robert VITTON

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Robert est né en 1947 à Toulon. Il s'installe à Paris en 1980.

Bercé entre les chansons de Brassens, de Ferré, de Ferrat, il voue une passion pour les chants de ces poètes "fréquentables" mais qui le dirigent vers l'art de la versification.

Il est l'auteur de plusieurs recueils : "Prémices" (La Grisière, 1970), "A mes hiboux de chevet" (La Pensée Universelle, 1974), "Les Marchands" suivi de "La gueuse parfumée".(Editions des Ecrivains 1999).

Participe à la revue : Encres vagabondes n°21 (2001)

Robert participe également à diverses anthologies :
"Poètes du Terroir et Poètes de France" (La Revue Moderne des Arts et de la Vie, 1973).
Poésie 1 (Ed.Saint-Germain-des Prés et le Cherche-Midi Editeur, 1984).
Les Cahiers de Saint-Germain-des-Prés (Ed.Germain-des Prés, 1984).
Poèmes et Poésies : textes d'hier et d'aujourd'hui à l'usage des enfants (Ed.Scolavox, 1989).
Anthologies sonores de l'Académie du Disque de Poésie : les meilleurs poèmes à dire (1973, 1975 et 1976).
Anthologie 2001-2002 -Poésie du point du jour- (Ed.des Poètes français Paris)
Anthologie permanente des Poètes français vol.6 (2002)
Almanach Poétique & Littéraire 2003 -(Ed.Cléa)

Lauréat de plusieurs concours et prix, il emporte notamment le Prix de la CIGALE D'OR -textes mis en musique et interprétés par René Pétrucciani (1980) ; le Prix ART-PHARE (Concours International des Auteurs de Langue française) ;

Robert Vitton est également menbre de la S.A.C.E.M. et de la Société des Poètes français.

Quelques commentaires de poètes et éditeurs concernant son oeuvre :

Pierre Seghers affirmera en lisant ses textes :
" Voilà la poésie ! Une invention sans cesse renouvelée, un jeu des images et un langage à la fois direct et porté sur la musique, une profonde tendresse, enfin une poésie de coeur et de gorge. "

Henri Gougaud dira :
" Je trouve tes textes magnifiques pleins de belle langue, de belle musique, charnus, forts, exaltants aussi parfois. Bref- A mon avis, tu es un grand poète, un poète en tout cas comme je n'en ai pas lu depuis longtemps. "

Et Jean Ferrat de renchérir :
" J'ai lu vos textes avec grand intérêt et avec grand plaisir..Je les trouve tout à fait remarquables… "

Son leitmotiv ? " J'écris pour être lu et relu, mais aussi pour être illisible. "

Bon, d'accord ! j'arrête là la liste ! Passons aux choses concrètes et découvrons-le ensemble !!!

 

POEMES

SOMMAIRE

Le chantre enchaîné
Comme on s'aime
Le cri
Ma dame
Epitaphes
La fleuriste

Les fontaines
Les laissés-pour-compte
Tes larmes
Lettre de l'autre monde
L'Oasienne
Le Marin de Paris
La Rhapsode

 

LE CHANTRE ENCHAÎNÉ


Un poète est un monde enfermé dans un homme.
Victor HUGO


Je m'aventure dans des contes
Dans des fables dans des romans
J'y joue j'y tue j'y meurs j'y mens
Je m'y désenchante à bon compte

Côté cour et côté jardin
Je décoche des épigrammes
J'épice à ma mode les drames
Je fais la joie des baladins

J'entre à cloche-pied dans des rondes
Je laisse mes tristes rondeaux
Je ne sens plus mon lourd fardeau
J'oublie mes printemps sans arondes

Aux moulins j'apporte mes seaux
Aux fontaines mes grandes odes
Mes fleuves gris mes épisodes
Mes rus mes murmurants ruisseaux

Je marche dans une ballade
Au bras d'une Grisélidis
Les belles dames de jadis
Mettent mon cœur en marmelade

L'amour s'en vient l'amour s'en va
L'amour toujours est en réclame
Je brode des épithalames
Sur un fond sombre de java

Je pleure sur vos élégies
Pierre Ronsard André Chénier
Les fleurs poussent sur les charniers
Et sous nos semelles rougies

Sans peur des rats ni des ragots
Je traîne dans des rhapsodies
Pour nourrir mon bel incendie
J'ai du vin rouge et des fagots

Je vague dans des odyssées
En quête d'un eldorado
Ma guitaronne sur le dos
Et sur la lèvre une pensée

La rote accompagne mes lais
Et j'empoisonne l'existence
Des muses folles de mes stances
A leur sein je suce un doux lait

Je titube dans l'épopée
Je meurs de la mort de Roland
Un cor au pied un coup au flanc
Je bois ma dernière lampée

Je cours dans mes rêves d'enfant
J'y retrouve une sonatine
Une berceuse une comptine
Et la plainte d'un olifant

1999

 

 

 


COMME ON S'AIME

 


Comme on s'aime nous
Comme on s'aime
Nous on s'aime nous
Nous on s'aime
A Dunkerque où l'hiver gerce les amoureux
A Venise où l'amour nous mène en barcarolle
A Sorrente où la mer nous soûle de paroles
A Crémone où le vent violone un air pleureux

O ma coque de noix qu'une haleine démâte
Je rêve dans ta voile et je suis ton Vasco
Un vieil accordéon se souvient de Carco
Sur les quais sur les ponts trottent des automates

Comme on s'aime nous
Comme on s'aime
Nous on s'aime nous
Nous on s'aime
A Grenade où je sors dans ta nuit flamenca
A Catane où des mots de lave nous carminent
A Pergame où la mort vieux jeu nous parchemine
A Calais où le spleen s'agrippe à ta parka

O ma viole de gambe où est ta chanterelle
Je rêve sur ta hanche et je suis ton archet
Aux terrasses fleuries on vide des pichets
Montmartre après la pluie montre ses aquarelles

Comme on s'aime nous
Comme on s'aime
Nous on s'aime nous
Nous on s'aime

A Paris


1993


LE CRI


Lorsque je t'ouvre à deux battants
Avec la peine tu m'apportes
Les gaîtés de ta ville morte
Et le cri de la nuit des temps

Tu m'apportes le cri de la forêt allée
Avec toute une armée de rouges charpentiers
D'ocreux septembriseurs de safres papetiers

Tu m'apportes le cri de la mer égueulée
Des mousses qui se font des fantômes de rien
Des sirènes du sud prises des galériens

Tu m'apportes le cri des guitares mêlées
Aux tépides et longs soupirs des soupiraux
Et des quémands sans yeux couchés sur le carreau

Tu m'apportes le cri des avoines foulées
Sous les sabots fringants des chevaux de Marly
Qui fox-trottent parfois à la mitan du lit

Tu m'apportes le cri de ta guenille ailée
Le cri le dernier cri de chez le bon faiseur
Ma barque dans le vent ma féale ma soeur

Tu m'apportes le cri de la joie empalée
Sous la loque de nuit des filles barbelées

Lorsque je t'ouvre à deux battants
Avec la fête tu m'apportes
Les bagatelles de la porte
Et le cri de la nuit des temps


Mai 1979

 

MA DAME

Tes linges sur le port sèchent comme des larmes
Et je reviens de loin sans bagage et sans arme

Vous en souvenez -vous
Ma Dame
Qui me prenez le bras sur notre promenade
Vous en souvenez-vous de nos nuits à Grenade
Vous portiez des bas noirs
Vous usiez les miroirs
Ma Dame
Vous en souviendrez-vous

La Mer me confiait ses chants et son riche ambre
J'emportais ses parfums et ses cris dans ma chambre
Ma voisine ânonnait ses gammes au piano
J'avais pour m'apaiser les dés les dominos

Les platanes étaient pleins de conciliabules
Et les tramways tendaient la perche aux funambules
Mes muses effrontées en travers de mon lit
Riaient aux Anges de Melozzo da Forli

J'avais un stylographe or à griffe rentrante
Un Larousse fané venu des années trente
Des cahiers d'écolier des livres arrogants
Une pipe de buis une lampe d'Argand

Ma Dame
Vous en souvenez-vous
Ma Dame
Qui me prenez le bras pour traverser la vie
Vous en souvenez-vous de nos nuits à Pavie
Vous portiez des bas noirs
Vous usiez les miroirs
Ma Dame
Vous en souviendrez-vous

Déjà le vieux Paris taillait mes quatre veines
Mon sang d'encre coulait sous les ponts de la Seine
J'allais fidèle au noir un foulard rouge au col
Les cheveux en bataille et dans la poche Alcools

Quand Paris m'éclairait ses lanternes tragiques
Que la Mer me poissait sur les pavés magiques
Je cassais des décors des styles des sabots
J'emmenais mes béguins sur le pont Mirabeau

Vous en souvenez-vous ma Dame vous en prîtes
Du temps pour effeuiller mes champs de marguerites
Je traînais sur les quais les trois quarts de la nuit
Déjà j'étais doué pour le songe et l'ennui

Ma Dame
Vous en souvenez-vous
Ma Dame
Qui me prenez le bras pour traverser l'Automne
Vous en souvenez-vous de nos nuits à Cortone
Vous portiez des bas noirs
Vous usiez les miroirs
Ma Dame
Vous en souviendrez-vous

Tantôt nous dormirons ensemble dans la cale
D'un navire vêtu de tulle et de percale


2002

 

ÉPITAPHES


Notre monde est plein d'épitaphes
Et je le cours pour m'émouvoir
Les capitaines les matafs
D'eau douce de bateau-lavoir
Ne sont pas près de me revoir

Nous sommes vos fils vos entrailles
Fauchés dans les coquelicots
Dans les blés gourds sur la muraille
Nous chantions sous des calicots

Ci-gisent sous la brume grise
Trente-six balles dans la peau
Des anges la bouche en cerise
Ils n'ont ni fusils ni drapeaux

Ci-gisent sous trois pieds d'argile
Des bonnes des petites gens
Sans une phrase d'évangile
Sans un mot d'or un mot d'argent

Ci-gisent -le nombre est de taille-
Mille pelés mille poilus
Et trois cents chevaux de bataille
Sous l'herbe noire des talus

Ci-gît une armée en déroute
Sans voix sans vivres sans barda
Sur le grand pré les moutons broutent
La barbe dure des soldats

Dormez en paix sous les victoires
Sous les défaites combattants
Dans nos tristes livres d'Histoire
Vous et moi perdons notre temps

C'est là que gisent les Quarante
A quatre pas du pont des Arts
Nous chantres n'avons point de rentes
Pour reverdir notre bazar

On me troue comme une écumoire
On me crève comme un canon
Au front du temple de Mémoire
Je ne veux pas rougir mon nom

Je m'éveille entre quatre planches
On vous a mis ablativo
Tous en un tas dans ma nuit blanche
O mes aminches mes gavots

Nous étions las de l'existence
Nous sommes là main dans la main
Plus rien n'avait de l'importance
Nous avions fait notre chemin

Comme on dit sur la Canebière
Il était bon comme le pain
Hier au comptoir humant sa bière
Et là dans son frac de sapin

Ci-gît dans sa boîte à malice
Ravi à l'affection des siens
A trente lieues de sa complice
Un thaumaturge un magicien

Qui gît sous cette molle terre
Devinez Un homme qui fut
Mauvais coucheur bon locataire
Sa grosse caisse sent le fût

C'est là sous les flots en goguettes
Que gît l'Invincible Armada
Ma fée tire de sa baguette
Des tempêtes de résédas

Dans ces ruines de porcelaine
Dorment mes pauvres éléphants
Un vent gris et léger halène
Il pleure comme l'olifant

Je suis sous deux empans de sable
On a écrit sur mon parpaing
Ci-gît un être impérissable
Il égrénait du Richepin

"Voilà ma vie, ô camarade !
Elle ne vaut pas un radis
Ça commence par une aubade
Ça finit en De Profondis !"

Je gis et vous entre deux âges
Que ferez-vous de vos vieux os
Quand vous n'en n'aurez plus l'usage
De la poudre pour les oiseaux

J'erre dans mes contrées en cendres
Mes mies ne s'y promènent point
Sur leur ciel bas de palissandre
Mes morts parfois tapent des poings

Notre monde est plein d'épitaphes
Et je le cours pour m'émouvoir
Les capitaines les matafs
D'eau douce de bateau-lavoir
Ne sont pas près de me revoir


1999



LA FLEURISTE

"Au bois d'Clamart y a des petit's fleurs
Y a des petit's fleurs
Y a des copains au,au bois d'mon cœur,
Au,au bois d'mon cœur."

Georges BRASSENS


La couverture est en lézard
Ce livre garde une pensée
Les larmes d'une fiancée
Sur un poème de Ronsard

Un songe de mes nuits d'automne
Les rues sont pavées de pavots
Je marche dans les caniveaux
J'entends des brouhahas atones

Nous n'irons plus au bois d'Clamart
Les bell's p'tit's fleurs n'y pouss'nt plus guère
Des ang's armés comm' des jaqu'marts
Pour trois brins d'herb' s'y font la guerre
Nous n'irons plus au bois d'Clamart
Les bell's p'tit's fleurs n'y pouss'nt plus guère

Je longe des prés vénéneux
Des prés émaillés de colchiques
Je croise des chantres bachiques
Et des vielleurs libidineux

Je hante les chemins de ronde
Je pleure le temps du muguet
Des fées l'oeil et l'oreille au guet
Font le plus vieux métier du monde

Nous n'irons plus au bois d'Clamart
Les bell's p'tit's fleurs n'y pouss'nt plus guère
Et les trouvèr's ont r'pris l'trimard
Las des sentiers battus d'la guerre
Nous n'irons plus au bois d'Clamart
Les bell's p'tit's fleurs n'y pouss'nt plus guère

Des soldats fauchent mes jardins
Couchent mes statues sans défense
Et brisent mes secrets d'enfance
Je n'ai pour eux que du dédain

J'ouvre des champs de marguerites
Que disent ces pétales blancs
Toujours les mêmes mots troublants
Ce n'est plus ma fleur favorite

Nous n'irons plus au bois d'Clamart
Les bll's p'tit's fleurs n'y pouss'nt plus guère
La courtisane au nez camard
En a tell'ment fleuri des guerres
Nous n'iront plus au bois d'Clamart
Les bell's p'tit's fleurs n'y pouss'nt plus guère

Je vends des roses de Provins
Au coin d'une sombre venelle
Qui se souvient des ritournelles
En vogue dans les années 20

Je hèle une main sur la hanche
Sur la bouche un coquelicot
Le fantomatique tacot
En maraude dans mes nuits blanches

Nous n'irons plus au bois d'Clamart
Les bell's p'tit's fleurs n'y pouss'nt plus guère
J'tresse un' couronn' dans mes cauch'mars
Mon pauvre amour mort à la guerre
Nous n'irons plus au bois d'Clamart
Les bell's p'tit's fleurs n'y pouss'nt plus guère


1997

 

LES FONTAINES


Les filles deviennent fontaines
Dans mon repaire montmartrois
Mes muses couchent à l'étroit
Las d'Erasme d'Alain de Taine
Je ne leur fais ni chaud ni froid
Les filles deviennent fontaines
La soif me prend deux nuits sur trois

Les filles deviennent fontaines
Vous qui ne pleurez que d'un oeil
Tantôt vous ferez votre deuil
De vos plaisirs de vos fredaines
De vos petits péchés d'orgueil
Les filles deviennent fontaines
Vous larmoierez sur mon cercueil

Les filles deviennent fontaines
C'est ce que disent des chansons
Qu'encore aujourd'hui nous poussons
Brunes blondes rousses châtaines
Toutes toutes tant qu'elles sont
Les filles deviennent fontaines
Mais que deviennent les garçons

Les filles deviennent fontaines
Que n'ai-je comme le rebut
Du genre humain que n'ai-je bu
En caressant ma bedondaine
Toutes les hontes Père Ubu
Les filles deviennent fontaines
Sachez-le trimardeurs fourbus

Les filles deviennent fontaines
J'entre sans peine dans la peau
D'un fou d'un joueur de pipeau
Calembours et calembredaines
J'ai des idées dans mon chapeau
Les filles deviennent fontaines
Je vous salue monsieur Carpeaux


Les filles deviennent fontaines
C'est ce que disent des chansons
Qu'encore aujourd'hui nous poussons
Brunes blondes rousses châtaines
Toutes toutes tant qu'elles sont
Les filles deviennent fontaines
Mais que deviennent les garçons

Les filles deviennent fontaines
Pour qui ton coeur a-t-il battu
Parée de toutes les vertus
Comme une fiancée lointaine
O ma wallace qui es-tu
Les filles deviennent fontaines
Ce n'est pas moi qui l'aurais tu

Les filles deviennent fontaines
Que ne t'arrêtes-tu passant
La fontaine des Innocents
Aux beaux jours sur ma tiretaine
Brode des pétales de sang
Les filles deviennent fontaines
Ote ton masque grimaçant

Les filles deviennent fontaines
C'est ce que disent des chansons
Qu'encore aujourd'hui nous poussons
Brunes blondes rousses châtaines
Toutes toutes tant qu'elles sont
Les filles deviennent fontaines
Mais que deviennent les garçons

Les filles deviennent fontaines
Narcisse ne s'y trompe pas
Qui ne s'éloigne plus d'un pas
Pourquoi courir la prétentaine
Sur des routes semées d'appâts
Les filles deviennent fontaines
En glissant de vie à trépas

Les filles deviennent fontaines
Poète à l'eau au pain rassis
J'emprunte mille raccourcis
Pour rejoindre l'Aiguesmortaine
De mes pensées de mes soucis
Les filles deviennent fontaines
Mon bel amour me revoici

Les filles deviennent fontaines
C'est ce que disent des chansons
Qu'encore aujourd'hui nous poussons
Brunes blondes rousses châtaines
Toutes toutes tant qu'elles sont
Les filles deviennent fontaines
Mais que deviennent les garçons

1994

 


LES LAISSÉS-POUR-COMPTE

 

O bergères ni vous ni vous verts céladons
Ni vous rustres tondeurs ni vous tranche-montagne
Ne vous en souciez de ces pauvres moutons
Sous la pluie noire et froide

Ne comptez plus sur eux
Pour entrer dans vos nuits
Ne comptez plus sur eux
La Mer les a repris
Dans ses bleus pâturages

O voituriers ni vous ni vous meneurs d'engins
Ni vous marchands de sable en panne dans les dunes
Ne vous en souciez des grands mécaniciens
Accrochés aux bourrasques

Ne comptez plus sur eux
Pour réparer vos nuits
Ne comptez plus sur eux
La Mer les a repris
Dans ses flottes en rade

O nourrices ni vous ni vous beaux ménestrels
Ni vous cabaretiers ni vous chanteurs des rues
Ne vous en souciez des tristes troubadours
Morfondus dans les neiges

Ne comptez plus sur eux
Pour refleurir vos nuits
Ne comptez plus sur eux
La Mer les a repris
Dans ses champs de lavande

1999


TES LARMES

Tes larmes vont aux îles d'Hyères
Tes larmes vont aux îles d'Or
Te souviens-tu des lavandières
Qui te prenaient dans leurs bras tors

Tes larmes vont à la Provence
Tes larmes vont au castel d'If
Tes larmes sont de connivence
Avec quelque passeur tardif

Tes larmes vont aux mandolines
Sous les verts volets clos et cois
Semeur de fleurs et de pralines
T'assommeilleras-tu ou quoi

Tes larmes vont aux rives mortes
Aux murs des cités de jadis
Ne compte plus les clous des portes
J'ai les clefs du royaume d'Ys

Tes larmes vont aux galéjades
Tes larmes vont aux galets d'Ault
La Soif te sert des orangeades
Des tours de fruits de sucre et d'eau

Tes larmes vont dans les avoines
Où se recueillent les chevaux
Tes larmes vont dans les pivoines
Laver le sang des Roncevaux

Tes larmes vont aux pages tristes
De quelques merveilleux romans
D'où sort ce poignant guitariste
Ce n'est vraiment pas le moment

Tes larmes vont aux capitales
Plaindre les enfants endurcis
Sur leurs joues sèchent les pétales
De tes pensées de tes soucis


Tes larmes vont à la fontaine
Où danse autour d'un mirliton
Turlututu turlututaine
Un gai trio de marmitons

Tes larmes vont aux pastorales
Quand passe le char de Thespis
Les quatre roues sur la morale
Tu mimes le Manneken-pis

Tes larmes vont aux grandes orgues
Tes larmes vont aux voceri
Aux cathédrales qui nous morguent
Sous les pavetons de Paris

Tes larmes vont aux sècheresses
Au déluge de Deucalion
Aux sombres barques qui paressent
Et que parfois nous délions

Tes larmes vont aux oignonades
Aux odes rouges de Lorca
A l'Août trente-six de Grenade
Tes larmes vont aux Guernica

Tes larmes vont aux voix tziganes
Aux charlestons aux fandangos
Aux châteaux de la fée Morgane
Tes larmes vont aux madrigaux

Tes larmes vont aux Samothrace
Aux Brocéliande aux Oradour
Et ton coeur vole sur les traces
Des ménestrels des troubadours

1992



LETTRE DE L'AUTRE MONDE

Je suis dans les déserts les longues caravanes
Des pélerins poussifs de la Morte-Saison
Mon entrave de bois de plus en plus me vanne
Tellement que je vois la mer à l'horizon

Je revois mes soleils les galets qui salivent
Sous les pas des amants au bord des toccatas
Je retrouve le goût de l'oignon de l'olive
Du croûton frotté d'ail et de la polenta

Nous en avions parfois de vertes et de roides
Nos musiciens d'amis que raclaient-ils déjà
Les filles de ma nuit éternelle sont froides
Comme aux grandes chaleurs tes carafes d'orgeat

Les gueux et les bijoux du parvis Notre-Dame
Portent pour le plaisir le cilice et ma croix
Les doux anges ne sont que des trafiquants d'âmes
A la miséricorde illusoire d'un roi

Du Christ et de ses fins joueurs de quinquenove
Larrons aux mains percées filous aux dés pipés
Je m'en soucie non plus que de Laure de Noves
Que des mornes drapeaux des ramas d'éclopés

Les pauvres gens enfin ont le geste profane
La parole rude et l'âge de déraison
Les soldats n'ont plus d'yeux et leurs armes se fanent
Dans les relents vineux d'un chant de garnison

Les enfants espiègle et adorable marmaille
Sur les dunes de chaux cueillent des osselets
Pour un décapité parlant ils se chamaillent
En lâchant à l'envi d'effrayants feux follets

Le coeur sec les habits dévorés de vermine
Me souviendrai-je encor longtemps de nos adieux
Tu portais ce soir-là ta robe d'étamine
Celle qui m'enivra quand tu m'ouvris les yeux

Lorsque je ne dors plus ma nuit sempiternelle
Et que la brise en fleurs m'apporte les lambeaux
De vos fêtes ma mie de sales sentinelles
Assassinent l'effraie perché sur mon tombeau

 

L'OASIENNE


Que de fois guenilleux mes ailes de forçat
Empêtrées dans les rets fabuleux de tes rades
Ne t'ai-je pas hélée de ma désespérade
Tandis que tu portais entre nos morts decà

Et delà mon enfant au lied des casemates
J'artillais ma galère et mon poëme tu
Tant tes voix murmuraient Que nous chantes-tu
Sur les toits écumeux et roux de la mer mate

Je moissonne les mots de ta moite oraison
Les laisses et les cris de tes marées salaces
Tes salives de nuit et tes mouettes lasses
De mourir à Paris prises dans ma saison

Les trompes de ma brume attroupent tes gabares
Sous ta misaine noire un hibou veille au grain
Tes quémands à l'envi moulent mon beau chagrin
Et ma chanson d'amour dans leurs orgues barbares

Je porte tes paquets je dénoue tes rabans
Je suis l'ange de grève à tes heures dalmates
Je repasse parfois l'instant où vous m'aimâtes
Toi tes bêtes tes gens de hune tes forbans

Les chevaux pomponnés des vertes reverdies
S'agenouillent dès lors qu'à la ronde les voix
Voilées de nos tambours enchantent les convois
Démâtés et sanglants de la ménestrandie

Je m'esquisse à grands coups de hache et de sanglots
Des flottilles d'esquifs et de barques démentes
Dans les cadavres noirs de mes forêts dormantes
Je passionne le chant ivre des matelots

Mes sonates rêvées captives des carcasses
Et le slow indécent de tes scaphandriers
Puis à la croisée de tes chemins hauturiers
Je m'outre à tes brisants à tes bancs de rascasses

A tes voiles de Jouy à tes linges à fleurs
Rouges à tes parfums gris à tes bagues sauves
A ta barge jalouse à ta traîne de mauves
Criardes à tes joies à tes grandes douleurs

Que de fois de ta cache ardue des citadelles
Rogues de ton atoll de ton golfe orgueilleux
Ne m'as-tu pas hélé tandis qu'insoucieux
Du temps je tournaillais dans mes forêts fidèles

J'ai les feux de serments des amants de jadis
Ton geste d'orichalque et ta parole atlante
J'ai tes peines tes pas tes oeillades parlantes
Et les phrases du guet des sentinelles d'Ys

J'écris dans le désert la soif et la merveille
Je suis le trimardeur le fou le mousse à vif
Le vigile attentif aux récits des récifs
Le fin mousselinier des sirènes de veille

1983

 

LE MARIN DE PARIS

Je m'invente de longs voyages
Mille remous mille sillages
Mille mouettes dans mes cris
Je trime je rime je rame
D'un vieux chagrin j'en fais un drame
Je suis le marin de Paris

Tantôt je gaspillais ma jeunesse allouvie
Dans mes songes la Mort me fauchait dans un blé
Les traînées du quartier contentaient mes envies
J'avais toutes les nuits pour refaire ma vie
Je nichais sous les toits dans un sombre meublé

Quand je me joue de ses prunelles
Quand j'élime sa ritournelle
Quand je la prends pour un violon
Que je frotte sa chanterelle
Elle n'a plus l'heure sur elle
Et ne trouve plus le temps long

Trois jours sur quatre dans la gêne
Le cul dans sa toile de Gênes
La rue riboule des calots
Ma mie ma muse ma frangine
Ma garce ma parque gingine
Des hanches pour son matelot

Quand elle change de visage
De toilette de paysage
Je n'ai ni regret ni remords
Ma payse mon étrangère
Ma citadine ma bergère
Réveille mes mots et mes morts


Tantôt je noircissais des pages hasardeuses
J'avais toutes les nuits pour raconter mes maux
Mon amoureux martyre à ma fine brodeuse
A la fois délurée serve enjouée boudeuse
A ma plume attentive à mes jeux de grimaud

Quand je m'embarque sur la Seine
Couvert de ma pauvre misaine
Dans le brouillard glacial et gris
Je laisse à quai mon amoureuse
Ma belle enfant ma ténébreuse
Je suis le marin de Paris

2002

 

LA RHAPSODE


J'ai toujours un rat dans ma nasse
Une poire dans mon cabas
Je vends des vues de Montparnasse
Et des pastels de Rosalba
Un poète cueille des roses
Et des narcisses sous mes pas
Je chante ses vers et sa prose
C'est pour son coeur que mon coeur bat
J'ai toujours un rat dans ma nasse
Une poire dans mon cabas
Une fillette de vinasse
Une blague de macouba
Je suis sa soeur et sa promise
La passante de ses trépas
Je raccommode sa chemise
Et lui sers ses quatre repas
J'ai toujours un rat dans ma nasse
Une poire dans mon cabas
Je suis bonne mais pas bonasse
Mon zigue on ne me la fait pas
Je suis sa muse et sa rhapsode
Il en pince pour mes appas
Je joue ses plaintes et ses odes
Et je le prends dans mes sambas
J'ai toujours un rat dans ma nasse
Une poire dans mon cabas
Des nuits de mon Halicarnasse
J'en ai fait mon mea culpa
Je suis sa parque et sa nourrice
Je suis sa reine de Saba
Et lorsque les fèves fleurissent
La bergère de ses ébats
J'ai toujours un rat dans ma nasse
Une poire dans mon cabas
Au gré des saisons je traînasse
Je sais le plomb la pluie d'abat
Je suis sa pute et sa pucelle
Nue - je ne garde que mes bas -
Je râpe un triste violoncelle
Assisse au bord de son grabat
J'ai toujours un rat dans ma nasse
Une poire dans mon cabas
Je n'ai cure de vos menaces
De vos piques de vos sabbats
Je suis sa souillon sa servante
Je porte son sac et son bât
Ses madrigaux et ses sirventes
Ses plaies ses bosses ses combats
J'ai toujours un rat dans ma nasse
Une poire dans mon cabas
La Soif et la Faim sont tenaces
Et mènent la ronde ici-bas
Je suis comme il dit sa Camuse
Qui l'hiver sous les catalpas
De la rue de Fürsteinberg muse
Coiffée d'un bonnet à rabats
J'ai toujours un rat dans ma nasse
Une poire dans mon cabas
Ce joli monde cadenasse
Les cavernes d'Ali-Baba
Un vieil air vous remue les tripes
Accordéon crincrin tuba
La misère un temps vous agrippe
C'est toujours le même tabac
J'ai toujours un rat dans ma nasse
Une poire dans mon cabas
Je vends des vues de Montparnasse
Et des pastels de Rosalba

1995

 

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