SOMMAIRE
Mollesse
Absence
Baisers de lune
Bénédiction
Blessure
Cette nuit-là
Chopin
L'étranger
L'horreur
Le clochard et la dame
Le comédien
Le gâteau
Le philosophe
Le vin
Nuit de lune
MOLLESSE
Vos lèvres en bouquet
avalent le désir
Du vieux poète ouvert à la chaude caresse
Du temps fini qui coule à son dernier plaisir
Avec des restes bleus laissés dans son ivresse
Mollesse du désir déjà
déshabillé
Des vibrations du sang qui chauffent la fourrure
Des lèvres abimées sur le vieux marbre usé
Par l'écorce finie de la fière parure
Pardonnez ma faiblesse ô
jeune adolescente
Mon regard est plus court et mon corps ne voit plus
La volupté des nuits aux femmes indécentes
Unir ma vieille chair à
la peau de mes rêves
Femmes de mon destin et de ma déraison
Venez fouiller en moi des désirs fous sans trêve
ABSENCE
J'ai coupé ma tête comme
une vieille fleur
la souffrance est restée au milieu du naufrage
j'appelle avec mon corps une lourde douleur
pour apaiser l'horreur de mon ancien visage.
Lourde est la peine, la peine toujours
plus noire
au milieu des feuilles, des feuilles en saison
quand le regard coupé a perdu la vision
de l'automne endeuillée par le ciel illusoire.
J'accueille, libéré
de mon corps douloureux,
les oiseaux noirs de Dieu, écrivains sur leurs ailes
des envolées du temps au corps miraculeux
Le corps du temps fleurit mon vieux
corps amoureux
des yeux bleus du passé, quand l'émotion rappelle
les flots ensorcelés des sanglots délicieux.
BAISERS DE LUNE
Mon vieux crâne sans bleu balance
vos deux yeux
Il a mis tout l'été ses douleurs amoureuses
Sur le trottoir du cur et ses couleurs palpeuses
Vieux crâne du jardin vidé de tous vos bleus
Mais je reviens ce soir le crâne
plein de fleurs
A vos taches fleuries dans cette nuit de lune
Où la folie d'un songe imaginait vos pleurs
Vos pleurs que j'embrassais de mes baisers de lune
Baisers de lune sur vos lèvres
en jardin
Quel émoi dans la nuit de ces étoiles bleues
Qui glissaient de vos yeux pour changer mon destin
Je vais de bar en bar et d'amour
en amour
Pour souffrir et souffrir de ce merveilleux jour
Où la nuit pour nos yeux mit ses toilettes bleues
BENEDICTION
Il est jour d'automne les morts ont
bien jauni
il pleut en Israël les morts n'ont pas d'automne
la mort en Israël est jeune Dieu merci
on tue on les massacre au soleil qui frissonne
Ce frisson qui permet aux humains
de l'été
de voir en chaque juif une mort apaisante
pour le repos de l'âme et du ciel baptisé
au nom du père et de la haine bienfaisante
On allumait les gaz pour supprimer
les yeux
les yeux profonds et noirs amoureux de la lune
qui regardaient le ciel pour mourir dans les cieux
Un enfant clairsemé dans les
bleus de l'amour
un juif aux yeux bouclés verse une larme brune
avant des'allonger dans
la chaleur du four
BLESSURE
Doucement lentement je soulève
le voile
de ce lieu en broussaille qui veut s'épanouir
quand une gerbe raide sur le bord de sa toile
veut déchirer l'entrée, vous faire tressaillir.
J'aimerais maintenant agrandir mon
bel arbre
dans la forêt ouverte envahie de chaleur
pour soulager en vous par moi la fleur de marbre
jouissance irradiée par les flots de l'ardeur.
La chair est triste, hélas
! avait dit le poète
et la nuit attristée de votre lieu vieilli
augmente le chagrin de ma folle conquête
Des arbres lourds nourris de la chair
dévastée
écrasent mon cerveau soûl et fou décrépi
délaissé, au milieu de votre fleur blessée.
CETTE NUIT-LA
Cette nuit là, la nuit
des fleurs et des regards,
les roses avaient sorti leurs plus belles toilettes
mon cur avait bondi de son lit de clochard
l'été avait ouvert les bleus de sa palette.
Je voulais décrocher
les parfums de la terre
pour transporter mes yeux, adoucis, parfumés,
vers l'éclat silencieux de vos lentes paupières
qui ne pouvaient lever leur beauté dans l'été.
Le temps le ciel la mer s'habillaient
du jardin
au bord de son sommeil couvert par les étoiles
délicieuses et fruitées lumières de satin.
Je voulais apporter la forêt
de mes arbres
sur votre chair de soie enveloppée des voiles
qui tissent la saison de vos yeux dans mes arbres.
CHOPIN
Vous écoutez Chopin avant
d'aller pleurer
vous écoutez tout nu les bruits de la musique
car nous avions de l'eau sur la note pudique
qui recommencera au coin de notre été
Laissons-nous nous aimer une nouvelle
fois
aimer notre passé avec ses gammes douces
soirées dans les parfums soirées dans l'autrefois
nous étions dans nos curs tout recouverts de mousse
et Chopin dans la peur de ne plus
composer
de rester inutile aux roses musicales
qui débordent les sons légères et florales
Chaque instant de nos yeux des bleus
de la beauté
écoutait cette peur de Chopin qui frissonne
quand malade il jouait sa musique d'automne
L'ETRANGER
L'enterrement fut calme et même
reposant,
Le soleil a brûlé le cortège impuissant,
Le prêtre avait prié pour le repos de l'âme,
Je n'avais pas pensé à verser une larme.
Cette mort qui troubla mon état
quotidien
je la rendis, un jour, sur la plage de sable
Q'un bizarre étranger, sûrement un vaurien,
Accepta sans bouger, sous un ciel intraitable.
Je rencontrai la fille, unique dans
son corps
Qui voulût pénétrer mon cerveau, quadrillé
Par la mort, le soleil et son beau ciel d'été.
Quand je fus condamné, sur
les bords de la mer,
L'été et le soleil, d'un long regard amer
Lancèrent des cris d'amour pour saluer ma mort.
L'HORREUR
Que je puisse frôler le crâne
des semblables
Pour que la rocaille qui roule ses torpeurs
Dans le sang congelé à l'odeur exécrable
Victorieusement fracasse la puanteur
Que je puisse introduire plus avant
dans le crâne
L'histoire des rancurs aliments du tombeau
Où le carnage afflue découpé en membranes
Renonçant à jamais au ciel qui est si beau.
Que m'importe la nuit, quand mon
passé trahi
S'est perdu dans le bleu, dans l'horreur enfoui
Par mes semblables, mes frères, mes tortionnaires
Que m'importe l'espoir, quand dans
un siècle d'âge
Un Dieu nouveau, peut-être issu du marécage
Videra les crânes du venin sanguinaire
LE CLOCHARD ET LA DAME
Un vieux crachoir d'amour salivant
des odeurs
Décroche des pendus poètes inutiles
Dans la rue ouvrière où gît la puanteur
De ce vin revomi dans la mer bidonville
Sur la terrasse bleue parfumée
par l'argent
Une élégante en soie contemple les nuées
des poètes légers qui courtisent le vent
Avec des mots d'amour aux rimes polluées
Une dame sans âme achevant
son malheur
Traverse le couloir de ses jeunes années
le visage glacé aux rides surannées
Je vois dans le soleil un clochard
amusé
Qui regarde la mer pour y tremper son cur
Avec la dame en soie au regard putréfié.
LE COMEDIEN
Je suis un estropié comme
ce vieil acteur
qui cherchait dans Molière une scène de vie
je suis un vieil ivrogne enivré par l'odeur
de tous les vieux chemins où j'ai caché ma vie
Je détrousse le vin pour ouvrir
une scène
imaginez : l'acteur costumé en solo
se présente au passé pour rejouer la scène
où l'amour se dévoile par la magie des mots
J'apporte dans ma voix le plus gros
de mon cur
le ventre du chagrin gonflé comme une lune
et qui grossit la scène avec des mots d'acteur
quand le printemps nouveau sort ses
grappes de vin
je vous aime Ophélie femme au bleu du matin
je suis l'espace fleur des comédiens de lune
LE GATEAU
Seule, la mer est seule ce soir,
mon cur est seul,
la lune ne peut plus déposer ses étoiles.
Je suis seul sur la mer, je vais mourir seul,
solitaire douleur détournée des étoiles.
Mais la mort ralentit sous l'épaisseur
des fleurs
j'ai encore besoin de regarder les roses
j'ai besoin de cacher la fin de mon malheur
dans la tombe fleurie où se meurent les roses
J'ai besoin de revoir les couleurs
de la nuit ;
pourtant le souvenir fait trembler ma tristesse ,
je ne peux plus ce soir avoir de la tendresse.
Je vous porte un gâteau je
suis un vieux tout simple
un simple vieux, tout seul, avec son gâteau simple
qui cherche vos yeux doux pour mourir dans la nuit.
LE PHILOSOPHE
Je suis le philosophe au beau regard
brumeux
Mon doute et mes idées interrogent la brume
Légère poésie évaporée de bleu
Le beau la vérité la pensée amertume
Poésie des idées ou
froideur de mon âme
Rigidité du cur délaissé par l'esprit
Je suis le philosophe où la pensée s'enflamme
Vieux poète déçu avec ses vers proscrits
Je voulais mettre en vous la lune
de l'amour
Avec les couleurs bleues de sa belle lumière
Et je voulais frémir avec vous sans matière
Nos corps auraient flotté
au grès de nos idées
Philosophe amoureux passionné par l'amour
J'aurais mis dans nos corps de blanches orchidées
LE VIN
Un grand buveur de vin installe sa
bouteille
Sur le comptoir du soir qui se moque du temps
Etouffé par la joie de la couleur vermeille
Qui dans le rouge fier dépose le Printemps
Les passants du comptoir ont bien
compris l'histoire
De la peine oubliée dans le grand réservoir
de la fête sans ciel qui nourrit l'abreuvoir
des paroles d'amour sans aucune mémoire
Demain ou aujourd'hui ont dressé
la veillée
des amoureux du vin qui boivent la couleur
qui sonne sa saison pour une autre tournée!
Si le retour du vent, perdu, mélancolique,
veut contempler votre âme, envoutée de douceur,
Regardez votre verre, éternel nostalgique.
NUIT DE LUNE
Nous avions des forêts la mer
et le jardin
Un ruisseau de couleurs aux couleurs de Verlaine
Et vos lèvres d'été vos lèvres du matin
Qui caressaient le vent qui caressaient ma peine
Mon souvenir ici tremble de vos seuls
yeux
J'ai perdu les éclats du regard amoureux
Qui doucement parlait à mon corps silencieux
La nuit jetait des fleurs dans nos yeux amoureux
Je me rappelle ici le temps de votre
bouche
Quand vous aviez des mots endormis dans la nuit
Pour parler à mon cur au silence farouche
Quelquefois nous allions dans la
lune accablée
Pour embrasser nos yeux dans le creux de son lit
Et lui porter l'été et sa rose bleutée