Luc Bertal est né
dans la cité mancelle l'année de la Tragédie
du Siècle. Une période sombre, baignée dans
le sang et les larmes : la Grande Guerre.
Sillonnant ainsi le XX° Siècle, son parcours est ponctué
par des déchirures historiques lui rappelant la folie grandissante
des hommes, et par des douleurs personnelles.
Adolescent, il a vécu le deuxième drame, celui de
la 2nde Guerre Mondiale.
Poète, il n'en demeure pas moins patriote, livrant des messages
codés sous forme de poèmes. Sa participation, qu'il
considérait comme modeste, aurait pu le conduire à
la déportation ou au peloton d'exécution
" Dans la brume
poussent
des coquelicots
les larmes de la nuit
Glissent sur les étoiles
Et l'aiguail de l'aurore
Pleure le condamné
Les fusils fleurissent
Suent les gibets ouverts
En salves de serpents "
(extrait du recueil
: CUM GRANO SALIS)
La poésie
a pris son âme comme on prend un matin la décision
de mener sa vie.
Luc Bertal l'affirme : "On ne devient pas poète,
on naît poète". Il en étudie la structure,
les formes, et sert sa muse en adoptant les techniques qui assurent
à son ressenti une musicalité certaine. Il puise ses
références au sein de l'Ecole de Rochefort sur Loire,
cette cour de récréation dans laquelle les poètes
se réunissent pour parler de liberté, à un
moment où l'Occupant fait marteler ses bottes dans la moitié
de la France.
En 1970 , il anime
un cabaret littéraire, " LE DOMINO NOIR ", au Mans.
Aujourd'hui encore, il reste très actif dans le milieu poétique
et littéraire, dirigeant un atelier d'écriture à
La Rochelle.
Ce poète
est un homme de cur, généreux, dévoué
à la détresse de l'autre. Fondateur d'une association
pour personnes handicapées, son charisme est reconnu de ses
pairs.
Sa vie est ponctuée
par des drames familiaux, malgré cela, il garde une foi et
une sérénité exemplaires ; la principale épreuve
qu'il ait à subir fut d'accompagner jusqu'à la fin
sa femme dans la douleur de la maladie, quarante ans durant.Toutefois,
ses uvres restent empreintes d'espérance.
LE GOELAND GRIFFE LA VAGUE
Le goéland
griffe la vague
Et le voilier en a blêmi.
L'esprit du cur a l'âme vague,
Je n'ai pas eu que des amis.
Et toi, corbeau
qui me regarde,
Toi qui recouds le ciel cendré,
Que te faut-il pour une garde ?
Rameau de paix sur les adrets !
Un grand éclat
de notre peine :
Eclat de guerre, éclat d'horreur,
L'esprit du cur gémit de haine
Qu'a fait le temps de nos ardeurs.
L'océan bleu
sertit ses bagues,
Je n'ai rien dit de mon chagrin,
Le goéland griffe la vague
Dans cette nuit où meurt le grain.
Il définit
son état Poète de façon très particulière
: "Mon écriture est bicéphale", se
plait-il à invoquer. Bicéphale, certes, tant sur la
forme que sur le fond. Pour lui le mot est un arc en ciel de sentiments
vers lequel on tend pour en extraire l'essence.
Passé maître en l'art de muser en alexandrins, en sonnets,
en lais, virelais, ballades, terza rima et autres formes poétiques,
il s'affranchit doucement des règles et sert alors son inspiration
de façon plus libre, beaucoup plus libre, en prenant plaisir
aussi à se jouer des mots. Quant au fond, ses inspirations
le mènent à travailler les contrastes de la nature
(beauté - cataclysme), celles de l'homme (amour - maladie),
celles des calamités sociales (misère, faim), celles
des évènements mondiaux et celles, bien sûr,
propres au déchirement de l'écrivain
la souffrance,
la mort.
Loin de considérer
que l'art poétique doit rester une uvre destinée
au support papier, il dit haut et bien fort que la poésie
doit nécessairement être véhiculée par
un porteur de voix. Se réclamant lui-même poète,
il ne néglige pas une vérité qu'il colporte
auprès de ses semblables : " Chaque geste, chaque
pensée, chaque envoi de la vie est de la poésie. ",
ou encore : " Le cur qui s'ouvre à l 'aspiration
des autres : la poésie
c'est cela, et non les coupes
et médailles remisées sur la cheminée ",
ou ceci encore : " (la poésie) c'est avant tout un
cur qui saigne de ne pas comprendre la misère des hommes.
"
Oui, Luc Bertal est un poète tel qu'on le ressent, un vrai.
Non pas un rêveur tel que l'imaginaire nous l'inculque dans
la conscience collective, mais un qui se sert de la réalité
pour la transcender en rêve :
" La poésie est une route fleurie, qui déroule
en rêve la richesse des mots jusqu'au creux de nos vies. C'est
aussi, et surtout, un état de choc qui transperce le poète.
"
Découvrez cet auteur au
travers de ses textes, ils sauront toucher votre âme...
Coordonnées du poète
:
Luc BERTAL - 110 avenue de Rompsay
- 17000 LA ROCHELLE
tél : 05 46 27 21 44
Pour toute question
concernant Luc Bertal, vous pouvez contacter le rédacteur
du présent article, Pierre BRANDAO, à l'adresse suivante
: enversdesrimes@yahoo.fr
Bibliographie
- Le Miroir aux Alouettes
- Les Rayons et les Ombres
- Mon Maine Gaulois
- Mes Eaux Vives
- Intermezzo
- Ballades pour une cité
- Le Miroir à deux faces
- Ah Hominem
- Jeux de Massacre (La Pensée Française)
- Les Chants de la Noria
- Poétic 7 N° Spécial 17
- Le Chandelier à 7 branches
- Le Chant du Monde
- SOS à la Mer
- Avec les Veilles de la Nuit (APRIM)
- Caméra aux poingts
- Contes à brûler ma soute
- Elans poétiques
- Les Chants du Maine
- Pêcheurs de Lunes
- Les Chants d'Aunis et Saintonge
- Un Cri dans la Nuit ou la Saga des Bancals
- Chants d'Aurore au Crépuscule
- L'Opéra de Quatre Sioux
- Point d'Orgue
- Les Chants de l'Heure
- Le Poète aux Mains Nues
- Cum Grano Salis
Extrait de : "LES CHANTS
DE L'HEURE"
SILENCE
Silence de la nuit, un
air de violoncelle,
Un rêve se poursuit, un cur en éventail,
La vérité du puits consolant mon bercail,
Le dernier point d'appui sur cette villanelle.
A la lune qui luit, je
souffle la chandelle
La plume en son étui, sur la goutte d'aiguail
Qui tombe comme fruit de l'ultime travail
Oubliant qu'à minuit Morphée a mis son aile
Sur le vers qui s'enfuit
telle une cicindèle
En songe évanoui la nuit met son tramail
Au sein de la tonnelle.
Mon esprit vagabond ainsi
qu'une hirondelle
A mis dans sa nacelle
Visage d'un long bail.
Extrait de : "
LE POETE AUX MAINS NUES "
POETE AUX MAINS NUES
Dans l'Avril souriant au Printemps,
Pleurant les Affres du Golgotha,
Ne serais-tu qu'un aveu,
De nos folies errantes,
Un ongle incarné
Aux pieds d'argile,
Un misérable fétu de paille
Sur la rivière des larmes ?
Poète, un cri jeté à l'univers,
Un miroir de reflets et de brisure,
Déchirure des curs,
Emanation des Voix
Une plume s'envolant
Aux caprices du vent
L'enclume de l'oubli
Jette sa plainte d'éternité,
L'outil qui s'y complait
Est un esprit vengeur
La plume du poète
Vagabonde sur cette feuille
En rêves évanescents
Appelle le soleil
Parchemin de mâture
Blanche de ses menaces
Projette son miroir
Sur les espoirs de la nuit
Façonneur d'images,
Troubadour aux mains nues,
Les doigts en floraisons
Dans l'encre des souvenirs,
Dessines-tu encore,
En amour pour l'homme
Le cri d'un gantelet ?
UNE PLUME A LA MAIN
Une plume à la main,
Fuseau de caravelle,
Un rayon de lune
A serti l'heure de nos peines
Les rides de la vague
Sillonnent l'horizon
Des peurs de son couchant
Mouvances des embruns
Sur les thérébinthes bleus
Le chant des sirènes
Errantes de nos soupirs
Aux effluves d'encensoir
DANSE DE PLUMES
Danse de plumes
Dans le ciel accrochée,
Valse de brumes,
Voile de mariée,
Chacun sa chacune,
Monte avec la marée
Un clair de lune
Aux bras de Morphée
Et la vague d'écume
Brille de sa camée
Sur mon ciel qui fume
Sa dernière bouffée.
Si je vous importune
De ma lente mélopée
Que ce soit sans rancune
Sans feu et sans fumée.
QUAND J'ECRIS TON NOM
Quand j'écris ton nom
Enivrante Madone,
Sur le parchemin
De mes pas feutrés,
Je trace en un miroir
Ton visage de reine
Et le souvenir brûlant
Des étreintes passées
Ma plume sera l'aile
De ma colombe envolée
Aux cimes du cyprès
Abritant une stèle
Au granit des regrets.
TU FUS MA VIE
Tu fus ma vie
Aux douleurs d'enfantement,
Dans les plis de la vague
Sur la couche du destin
Tu fus mon ciel
Au seuil de mes veilles,
Un rayon de zéphyr
Transperçant mon cur
Tu fus l'envolée
Du poème d'Amour,
Le regard pénétrant
L'uvre de mes mains
Et tu fus un sourire
Et tu fus une angoisse,
Mais aussi le ressac
De mes folles pensées
QUAND TU VIENDRAS FRAPPER A MA
PORTE
Quand tu viendras frapper à
ma porte,
Je ne t'ouvrirai pas
Mais tu sauras bien forcer les gonds
Et couper les blés meurtris
De ta faux vengeresse
Je serai le rêveur des luttes inutiles
Dans un univers d'ennui et de déraison,
Et les corbeaux lascifs
Croasseront sans fin,
Déchirant les lambeaux de ta plume
Dans l'encre des fenaisons
Les raisins de la colère
Ecrasés au pressoir
Ne seront plus que poison
LAUDES
Dieu met de l'aiguail
Aux yeux des prairies
Comme larmes du matin.
En allant par les chemins
Dans les métairies
Dieu met de l'aiguail.
Rêve le bétail
Dans les bergeries
Comme larmes du matin
Le réveil du train
Et messagerie
Premiers frissons sur les rails
Paris fait son bail
Et mensongeries
Jusques au fond du poitrail
Chacun son destin
Chacun sa tuerie
Le temps est épouvantail
ANGELUS
Midi vient de sonner, au clocher
l'Angélus
Entame l'oraison en égrenant ses notes,
C'est l'heure où les passants évitent cumulus.
Sur son banc, affamé,
un clochard qui grignote
Un morceau de pain dur. On le prend pour un gus
Qui quémande une pièce et ne boit pas de flotte.
Un étudiant pressé
se prend pour Romulus
Poursuivant dans la car la place bien pelote,
Négligeant le bancal debout dans l'autobus.
Deux amoureux transis ont fait
une parlotte
Derrière les auvents, auprès d'un tumulus
Les regards se sont croisés quand l'amour se complote.
Le port est un bouchon, on en
connaît les us
Des marchands de bonheur, à chacun sa cagnotte
On y vendrait la lune et pourquoi pas Vénus ?
Autos à la fourrière,
agents qui papillotent,
Les restaurants sont pleins, à chacun son thymus
On cherche bon marché dans la moindre gargote.
Un joueur de pipeau se prend
pour Sibélius,
Le lapin dit chasseur dépose sa culotte
Aux rôtisseurs du quai, en guise de laïus
A l'heure où le soleil
se met en gibelotte
AU JARDIN
La Rose éclose en mon
jardin,
Gradins badins de cette glose
Dis-moi, Mon Roi, si cette cause
Cause à ma Rose un grand chagrin
Arrose de prose l'ondin
Gredin baladin où je pose
Le pouvoir qui croit cette chose
Que métamorphose est fin.
La Rose éclose en mon
jardin
Dis-moi, mon Roi, si cette cause
Cause à ma Rose un grand chagrin.
REPOS
Au fil de l'heure un clocher
sonne
Le temps des glas, le jour des pleurs,
Depuis l'été jusqu'à l'Automne
Que fit le vent de nos ampleurs
Le temps des glas, le temps des
pleurs
Nuage va, mais je demeure
Que fit le vent de nos ampleurs
Lorsque la vie amène leurre ?
Nuage va, mais je demeure
Sur mon repos qui n'est que cri
Lorsque la vie amène leurre
D'Antans passés qui me contrit.
Sur mon repos qui n'est que cri
D'où va venir une autre attente
D'Antans passés qui me contrit
Dans ma prière la plus fervente ?
D'où va venir une autre
attente
Je n'ai rien dit de mon secret
Dans ma prière la plus fervente
Fini le moment des regrets
Je n'ai rien dit de mon secret
Depuis l'été jusqu'à l'automne
Fini le moment des regrets
Au fil de l'heure un clocher sonne
VEPRES
Rayon de soleil sur la mer,
Les corps bronzés sur les terrasses,
Les pieds brûlés font la grimace,
Rayon de soleil sur la mer,
Et les crabes que l'on fricasse
Les passants sont de toute race
Rayon de soleil sur la mer,
Le poète est à son Parnasse
Extrait de : " CUM GRANO
SALIS "
LE SOIR ENVIE
UN RAYON DE SOLEIL
Le soir envie un rayon de soleil
Sur le toit fané de nos renoncements
Au feu de l'âtre où brûle mon poème
La cendre de mes racines se broie
Comme une encre noire.
Ma rime sur les chenets
Des veilles incertaines
Se tord comme brindilles
Dans les rêves évanouis.
Ma plume est un oiseau
Lissant ses ocelles soyeuses
Et mon chat, faux-dormeur,
Epie la souris blanche
Qui court sur le miroir
De mon ordinateur.
HONNETE LA NUIT
NE VAUT RIEN
Honnête la nuit ne vaut rien
Aux soupirs indécis,
Mes rêves de l'aurore
Ne sont que langues mortes.
On charge les fusils
Avec des fleurs de poudre.
On pique des cocardes
Sur des curs désunis.
On chante des victoires
Aux rives imprécises
En battant des tambours
Que l'on n'écoute plus.
SE DESSILLER LES
YEUX
Se dessiller les
yeux
Aux sources du printemps,
Faire éclater la rose
D'arôme en papillon,
Ecouter le rossignol
Dans les bois d'alentour,
Se rêver un poème
Qui sera un oiseau
Et s'en aller vers les îles
Sur l'aile du goéland.
DANS LA BRUME
POUSSENT
Dans la brume
poussent
des coquelicots
les larmes de la nuit
Glissent sur les étoiles
Et l'aiguail de l'aurore
Pleure le condamné
Les fusils fleurissent
Suent les gibets ouverts
En salves de serpents
L'EPURE DE TES
YEUX
L'épure
de tes yeux
Illumine mes heures,
On mange des crapauds
Sur les ailes du vent.
On fabrique des rêves
Toujours irrésolus
Et l'on se croit Poète
Derrière les Auvents.
On a dans nos silences
Sillages de raison,
Mais on écrit d'Amour
Pour taire nos orgueils.
On court après les coupes
Pâles colifichets
Mais est-on Poète
Dans le monde des oublis ?
A LA MEMOIRE DU
VENT
A la mémoire
du vent
J'ai reconnu ton visage,
Le pourpre de la rose
S'est terni sur ton front
Je n'ai rien dit au goéland
Des angoisses des nuits
Où s'envolait mon poème,
Ni de ton regard brûlant
Des fièvres de ton désir.
Le cri de ton silence
Sur mes yeux englués
A versé une larme
Et l'aiguail de l'Aurore
En a perlé des diamants.
Contact : Luc
Bertal