Vaudeville par Pierre BRANDAO HERMAPHRO - DITES ? ? ? Page 4 |
SCÈNE 6 LE PSY, IRÈNE IRENE : Alors, doc', vous êtes investi d'une mission, parait-il ? Je crois que ce n'est pas de chance pour vous, puisque je suis l'objet de cette mission, non ? LE PSY : Allons, Irène ! Calme-toi ! I1 ne faut pas mélanger le passé du présent... Des fautes ont été commises, certes, mais j'ai payé, et j'ai ma conscience tranquille aujourd'hui IRÈNE : Taratata... C'est facile de pardonner à soi-même mais j'aimerais bien savoir si votre hiérarchie est au courant... LE PSY : Pourquoi es-tu si agressive ? Ce qu'il s'est passé il y a quatre ans, c'est complètement oublié pour moi... Ca n'a plus aucune espèce d'importance ! IRENE : Comme c'est facile ! Oublié ! N'est-ce pas vous qui ne cessiez de nous dire que le passé nous rattrape sans qu'on s'y attende ? A vous regarder, je vois qu'il vous a bien servi, votre passé ! Vous vous présentez ici affublé de neuf, avec une sacoche reluisante qu'avez-vous comme voiture, parrain ? LE PSY : Oh, juste une petite décapotable IRENE : et avec ça vous n'en avez pas profité ? vous n'avez jamais su vous arrêter oui ! LE PSY : Oh, rien qu'un tout petit peu IRENE : Juste assez pour vivre une existence de nantis ! Vous me dégoûtez, doc' ; adolescente, je vous prenais pour un Dieu, alors qu'en fait vous ne jouiez que le rôle d'un gourou au service de l'immatériel ! Et tout cela sous le couvert de la psychologie ! non seulement vous avez trompé vos patients, mais également la maison que vous êtes sensé servir ! LE PSY : Tu n'exagères pas ? IRENE : Si j'exagère ! le jour où je vous ai vu vous en mettre plein la poche, alors que les dons consentis l'étaient pour vos uvres de bienfaisance, vous ne vous êtes pas posé la question de savoir si vous, vous exagériez ! LE PSY : C'est la coutume il faut bien vivre, nous aussi On a des frais IRENE : Ben voyons ! Laissez-moi vous dire ceci, docteur : la situation actuelle n'est que la conséquence de ce passé, dont vous êtes l'incarnation. Je m'étais promise à faire carrière dans des études de médecine et de psychologie ; vous avez contribué à ce que j'en sois dégoûtée ! par votre action, votre cupidité, votre vice, votre goût pour les choses matérielles, vous m'avez fait prendre conscience de la cruelle réalité qu'est la nôtre ; comment pouvais-je consentir à suivre un être répugnant tel que vous ? LE PSY : Je suis vraiment désolé, Irène IRENE : Désolé ? Je ne crois pas, non ! Ce n'est pas suffisant ! Ce que je veux aujourd'hui, c'est que vous vous mêliez de vos affaires ! Ne cherchez pas à intervenir dans ma vie privée, ni dans celle de Roger ! Aussi absurdes que puissent vous paraître nos décisions, vous n'avez aucun intérêt à y faire obstacle, car je suis sûre que certains de vos associés seraient curieux de savoir ce que vous avez fait de leur argent LE PSY : Vu sous cet angle, Irène, je crois que tu as raison... Mais j'ai un petit problème... IRENE : C'est le votre, mon Père ! N'essayez pas de m'entourlouper ou je fais un malheur ! LE PSY : I1 s'agit de ta mère ; d'après ce que j'ai compris, tu veux devenir homme, c'est cela ? IRENE : Oui. LE PSY : Ta mère m'a fait promettre de te faire changer d'avis Dis-lui que j'ai tout fait pour t'en persuader, mais que tu as tenu bon IRENE : Elle a promis quoi en échange ? LE PSY : Environ sept mille cinq cent francs... IRENE : Je lui dirai. Quant à vous, oubliez l'argent... LE PSY : M'enfin ? IRENE : Vous trouvez que vous ne m'avez pas fait assez de mal ? Si je vous ai promis le triple tout à l'heure, c'était uniquement pour vous amadouer et vous faire miroiter l'eldorado. Mais là, c'est sérieux ! Vous n'aurez pas un sou, et vous savez ce qu'il vous en coûterait si vous interveniez de façon trop gênante à mon goût LE PSY : Et pour Roger ? IRENE : Je lui dirai que vous avez également essayé, sans succès. LE PSY : Je suis un monstre pour toi, Irène, n'est-ce pas ? Mais je te jure qu'aujourd'hui j'ai bien changé, et que je remplis mon office ; crois-moi, je me suis servi de mes fautes du passé pour mieux comprendre la bassesse humaine, et pour cela je comprends mieux mon prochain. Je suis devenu une célébrité et un expert dans la profession maintenant. Seulement, laisse-moi parler à Roger, ne serait-ce que par conscience professionnelle. IRENE : Je veux bien croire que vous vous êtes racheté aujourd'hui ; seulement, le passé est une cicatrice bien présente ; je vis avec elle comme avec le silence ; je ne veux pas vous nuire, car vous avez toujours sû m'écouter et me conseiller. Vous êtes un homme gourmand, et vous avez succombé à la tentation de l'argent facile. Roger vous estime pour l'écoute que vous lui avez également témoigné, et tous les deux nous vous en sommes reconnaissants, car vous avez remplacé nos parents là où l'on avait le plus besoin d'eux. LE PSY : Tu me laisses donc parler à Roger ? IRENE : Voyez ça avec lui. D'ailleurs, le voilà qui rentre.
SCÈNE 7 LE PSY , IRÈNE, LE PERE, ROGER
LE PÈRE : Alors ? Ca a marché ? IRÈNE : Quoi donc ? LE PERE : Ta mère ? Elle est partie ? IRENE : Quoi ? Tu veux dire... C'est vous qui l'avez envoyé à l'hôpital voir tante Erika ? LE PERE : Superbe coup, non ! Et tout ceci pour voir ton parrain, car nous avons à parler tous les quatre... LE PSY : Je vois que je suis très sollicité... LE PERE : Irène vous a mis au courant... LE PSY : Oui, mais je suis désolé, je crains qu'il n'y ait rien à faire... LE PERE : N'essayez pas de me convaincre, pour moi, je suis à cent pour cent le choix de mes enfants. Ils sont grands, adultes, responsables, de maturité exceptionnelle, donc ils font ce qu'ils veulent de leur vie... L'éducation qu'ils ont reçue est exemplaire, c'est pour cela que je leur fais confiance... ROGER : Il nous fait surtout confiance pour ramasser un max... et s'en mettre plein les poches... LE PÈRE :.... et si ma femme vous a fait venir, c'est pour qu'ils changent d'avis... Aussi, je ne sais pas combien elle vous a proposé, mais mes enfants et moi pouvons vous offrir bien plus LE PSY : Ah bon ? vous voulez m'offrir IRÈNE (lui coupant la parole) : Non, Papa, j'ai changé d'avis. LE PERE (stupéfait) : Pardon ? Tu ne veux plus devenir un homme ? IRÈNE : Sûr que je le veux ! LE PERE (rassuré) : Ouf ! J'ai eu peur IRENE : Mais là où j'ai changé d'avis, cela concerne le docteur. Nous avons eu le temps de discuter ensemble, et il apparaît plus sage que le Psy Honoré Falus ne demande rien en compensation financière... ROGER : C'est toujours autant d'économisé... LE PÈRE : Ah bon ? IRÈNE : Oui, en raison du bon passé, Honoré nous rend ce service pour rien, n'est--ce-pas, Doc' ? LE PSY : Si elle le dit... LE PSY : Ce sera avec joie, Irène. LE PERE : Attends, tu veux dire qu'il viendrait ... gratuitement ? IRENE : Papa ! LE PERE : Bon ! D'accord ! Mais cinq séances gratuites, pas une de plus ! LE PSY : Je n'ai pas bien compris, de quoi s'agit-il ? ROGER : Vous allez le rendre débile si vous ne lui expliquez rien ! C'est simplement que Papa a décidé de nous exposer comme du bétail pour se remplir le porte-monnaie ; car nous sommes des exceptions de la nature, et plusieurs milliers de gens paieraient cher pour voir la mutation d'Irène, et le bébé procréé par un garçon. LE PSY : Et ... combien allez-vous faire payer cette attraction ? LE PERE : Mille cinq cent francs pour chaque enfant ... ce qui veut dire trois mille francs par visiteur, à raison de dix visiteurs par heure, cela fait ... LE PSY : Arrêtez ! Ce qui est sûr, c'est que ma calculette est trop petite pour ce genre de calcul ! ROGER : Et bien, on vous enverra tout ce beau monde pour une séance psy, car ils risquent d'être traumatisé après nous avoir vus ! Ca vous fera du travail ! LE PSY : Vous penserez bien à mes associations de bienfaisance, j'espère IRENE : Je pense que ces associations feraient mieux de penser un peu plus à ce que vous faites de leur argent, doc' ! vous comprenez ce que je veux dire où je laisse ma colère s'exprimer LE PERE : Dis donc, ne parle pas comme cela au psy ! IRENE : Je crois que nous nous sommes compris ... LE PSY : Oui, oui ... je vais partir ... j'ai complètement oublié que j'avais rendez-vous au cabinet... IRENE : Vous ne vouliez pas parler à Roger ? Il est là et tout à fait prêt d'autant plus qu'il est le seul à savoir certaines choses, si vous voyez de quoi je veux parler LE PSY : Ah, il sait ? Bon, ben, non, ce n'est pas la peine en fin de compte ; je crois que lui non plus ne changera pas d'avis ... Dites tout de même à votre mère que j'ai essayé ... IRENE : Je n'y manquerai pas... (le psy quitte la scène).
SCÈNE 8 IRÈNE, LE PÈRE, ROGER
LE PÈRE : Oui, sans doute qu'Irène a des arguments forts convaincants ; j'ai à peine eu le temps de lui proposer de l'argent qu'il est parti. A mon avis, c'est votre mère qui ne va pas être contente. ROGER : Il va quand même falloir lui faire changer d'avis, car je te rappelle que si elle n'y met pas du sien, Irène et moi prenons un appartement, et nous nous gérons tout seuls ... LE PÈRE : Oui, oui, je sais... ROGER : Ce serait dommage qu'un homme d'affaires s'intéresse à nous, t'imagine tout ce que tu verrais défiler devant tes yeux ? Dis-toi bien qu'il n'est jamais trop tard... LE PÈRE : Oui, oui, je sais ... ROGER : Et lui est moins gourmand, il ne prendrait que cinq pour cent des bénéfices LE PÈRE : Oui, oui, je sais ... IRENE : Arrête, Roger, ce n'est pas la peine de faire du chantage, nous avons décidé de rester ici, et il ne nous reste plus qu'à convaincre Maman. Le tout, c'est de trouver une forte motivation qui la ferait aller dans notre sens. Toi, papa ? qui connaît certainement mieux notre mère, tu n'as pas une idée de ce qui lui ferait vraiment plaisir ? LE PERE : Non, je ne vois pas très bien ... ROGER : Moi, je sais : un dîner chez Michou IRENE : Sois sérieux, Roger ! Pas besoin d'être riche pour aller chez Michou ! J'en sais quelque chose ! C'est le même prix qu'une péripatéticienne, tu devrais t'en douter ... Non, pour maman, il faut quelque chose qui ne peut lui être accessible que par une grosse fortune, un rêve qu'elle ne peut réaliser actuellement. Car si on la motive par ce désir, elle ne verra aucun inconvénient à ce que nous lui offrions, en quelque sorte, ce cadeau ... LE PÈRE : J'ai trouvé ! Bien que non ... ce n'est pas possible ... IRENE : Dis toujours ! Une idée peut en amener une autre ... LE PERE : Elle veut Ben Johnson pour elle toute seule ... Mais lui ne voudra jamais, pour tout l'or du monde, rester deux minutes avec elle ! Rien que de la regarder il aura compris ! c'est une véritable poudrière, mais une poudrière de fards et de produits soi-disant miraculeux ! ROGER : Papa, des choses irréalisables, pas impossibles ! IRENE : Il faut évidemment penser à la santé du boxeur mais je pensais moi à une chose plus matérielle, comme à un voyage, à une maison, une piscine ... ROGER : Un string, des collants de soie, des balconnets coton ... LE PÈRE : C'était bon pour ses vingt ans, çà ! Aujourd'hui elle aurait plutôt besoin de Damart ! Le problème pour trouver une idée c'est qu'elle a déjà tellement de choses superflues que l'on ne sait plus ce qui pourrait lui faire plaisir ... IRENE : C'est parce que nous raisonnons en fonction de ce que nous avons, et non de ce que nous allons avoir ... Il faut une grande motivation pour une grande décision : l'idée du voyage n'est pas mal, mais il faut que ce soit un voyage original ... ROGER : J'ai trouvé ! une croisière autour du monde, avec une étape dans chaque grande capitale, où elle pourrait assister à des défilés de mode de rouge à lèvres et de pommade graisseuse ! LE PÈRE : C'est pas idiot... IRENE : C'est pas idiot du tout ... pour une fois, tu m'épates Roger ... Mais tout l'argent récolté risque de passer par là... LE PERE : Vous faites ce que vous voulez, mais moi je garde mes 10% car j'ai prévu de changer de voiture ... ROGER : Je veux bien donner 10% de mes gains pour organiser un tel voyage, car j'ai besoin du reste pour m'occuper du gamin, et pour changer de nom... IRENE : Je mettrai le reste qu'il faudra ... J'aurai bien assez pour sortir en boite ... Alors, on se décide ? On motive maman sur ce voyage ? LE PERE, ROGER : Oui. IRENE : Je suis sûre que ça va marcher ! Attendons-là de pied ferme, et surtout que personne ne faiblisse dans sa position. Attention J'ai l'impression qu'elle est de retour !
SCÈNE 9 IRÈNE, LE PÈRE, ROGER, LA MÈRE
LE PÈRE : De quoi parles-tu ? Que t'est-il arrivé ? Tante Erika ne va pas bien ? LA MÈRE : La tante va très mal ! Elle est morte il y a deux ans Quel est l'idiot qui m'a envoyé à l'hôpital pour la réconforter ! LE PERE : Comment ? Tu t'es dérangé alors que tu savais que tante Erika est décédée ? où avais-tu la tête ? LA MÈRE : Ne te moque pas de moi ! Tu sais très bien que j ai mauvaise mémoire ! C'est toi qui en a profité, n'est-ce pas, pour m'éloigner de la maison ! Allez, avoue donc ! Je sais que c'est toi car tu en es capable ! LE PERE : Mais non, ma chérie, tu as été victime d'un plaisantin, qui puis-je ? LA MÈRE : Un plaisantin qui connaît mon numéro de téléphone et qui sait que j'ai une tante qui s'appelle Erika, j e n'en connais qu'un, moi, et c'est toi ! LE PÈRE : Tu as vraiment mauvaise mémoire ... Rappelle-toi le jour de l'enterrement de ta tante, tu as donné ton numéro cent fois, sous prétexte de rencontrer des gens qui faisaient partie de ta famille... Ils étaient tous intéressés par Irène et ses dix-sept ans, et tous ont accepté ta carte. Alors ne t'étonne pas si l'un d'entre eux a voulu te faire une blague ... LA MÈRE : Deux ans après ? LE PERE : Pourquoi pas ? Mais ce n'est pas grave, laisse tomber ces bêtises, tu es adulte non ? Pour quelle raison auraient-on fait cela, nous autres ? On ne se moque pas de la disparition d'un proche ! LA MÈRE : Et le psy ? Où est-il ? Qu'a t'il dit ? IRÈNE : Tout ce qui a été en son pouvoir pour nous faire changer d'avis... Mais rien n'a marché, je suis restée inflexible. Et Roger aussi. Alors le mieux que tu aies à faire, c'est de te ranger à notre décision. LA MÈRE : Ah, vous avez bien comploté en mon absence ! Mais c'est hors de question ! je ne cèderai pas ! Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour empêcher cela ! Tu resteras ma fille, Irène, et tu resteras mon fils, Roger ! Il n'est pas dit que tu mettras au monde ce bébé, et toi il n'est pas dit que tu auras un sexe d'homme ! LE PÈRE : Calme-toi, ma chérie ! Calme-toi ! Ils sont tous les deux majeurs, et tu ne peux décider aujourd'hui pour eux ce que tu décidais il y a cinq ans. Quelque part, c'est de notre faute s'ils sont le mal d'être. Comment les en blâmer ? Il serait plus sage d'écouter la proposition de Roger, je suis sûr qu'elle te conviendra parfaitement ... LA MÈRE : Proposition ? Ah, je vous l'avais dit que vous avez comploté ! Mais vas-y ! J'écoute ! Et je sens que je vais bien rigolé ! ROGER : Voilà. Tu nous laisses tranquille, et nous on t'organise un superbe voyage autour du monde, avec escale dans toutes les grandes capitales où s'organisent des défilés de mode de rouge à lèvres et pomm... heu, produits de beauté ... IRENE : Tu auras tout ce qu'il y a de meilleur dans la matière, ce qui te permettra d'être vraiment belle et désirable pour papa ... Car tous les produits soit disant miraculeux que tu achètes étant de la vraie camelote, tu verras la différence sur ton teint et ta peau ... Imagine ! C'est une chance superbe que nous t'offrons là LE PÈRE : Et qui sait ? peut-être redeviendrai-je l'amoureux fidèle d'il y a vingt ans ? LA MÈRE : Cà suffit ! Vous me dégoûtez tous ! C'est insensé ! Vous gâchez votre vie, et moi je devrais me contenter de misérables rouges à lèvres ? Sachez que l'avenir et le devenir de mes enfants est ce que je considère comme le plus important ! Et je me battrai pour vous, même si c'est contre vous ! IRENE : Tant pis ! C'est qu'elle en devient agréable, avec son retour de maternalisme. Ecoute moi bien une dernière fois, maman, je comprends ce que tu ressens, mais je sais aussi ce que je veux, alors sois tu es d'accord avec nous, et tout ira pour le mieux ; soit tu ne l'es pas, et bien les choses se feront contre ton gré. Le processus étant en cours, pour Roger comme pour moi, il suffit de laisser aller les choses ... LA MÈRE : Mais malheureuse ! Tu renverses la morale, la science, la religion, les tabous ! Tu seras la risée de tous ! Tu seras poursuivie par la honte et le passé ! Que feras-tu dans vingt ans lorsque tout le monde t'aura oubliée ? IRENE : Vingt ans de bonheur pour rattraper les pires années de ma vie, ça vaut le coup d'être tenté et c'est moi qui prend le risque, pas toi ! ROGER : Papa m'a promis de s'occuper du bébé ; ensuite, je reprends ma vie normale. Et j'éviterai les coins sombres... Alors souffrir un peu pour m'enrichir beaucoup, le jeu en vaut aussi la chandelle. LE PÈRE : Tu as une volonté de fer, ma chérie. Je ne te connaissais pas comme ça ; j'en ai presque les larmes aux yeux ! Tu vois, je redeviens sensible ! Pour un peu, je dirai que tu as raison : mais l'argent ! pense à l'argent ! Finis tous ces soucis quotidiens, tous ces appels téléphoniques du banquier, ces comptes à n'en pas finir ! Je me moque de la célébrité, car nous conserverons l'incognito par le biais de masques, mais l'argent ! Si facile à gagner ! Nous pourrions voyager ensemble, j'essaierai même pour te faire plaisir les rouge-à-lévres et les pommades ! LA MÈRE : Non ! c'est non ! Vous êtes devenus fous par cet attrait de l'argent ! Et c'est trop facile ! Vous me dégoûtez tous ! LE PÈRE : Bon, on aura au moins essayé. Roger, il est un peu tard pour préparer à manger, et je crois que ta mère n'a pas eu le temps de faire quoi que ce soit ; viens avec moi, on va chercher quelques pizzas pour ce soir ... ROGER (prenant son blouson) : On peut se le permettre Papa ? LE PÈRE (montrant le ventre du
fils) : Lui, nous en donne l'autorisation.
SCENE 10 IRENE, LA MERE
LA MÈRE : J'ai l'impression que nous sommes dans une impasse... IRENE : Tu t'y trouves toute seule, maman, je crois que nous avons tout fait pour t'en sortir ... Mais tu refuses l'évidence... LA MÈRE : Ecoute, j'ai besoin d'être seule. Va dans ta chambre, veux-tu ? J'aimerai écarter le brouillard qui me sert de cerveau. IRENE : Bien sûr, maman, d'ailleurs, il faut que j'aille faire quelques exercices. Dommage que je n'ai pas d'haltères, ça me serait bien utile ... LA MÈRE : Dans la cuisine, un carton sous la table ... IRENE : Pardon ? LA MÈRE : Oui, j'ai acheté ça ce matin. C'était en promo. A l 'origine, c'était un cadeau pour Roger... Mais je crois que tu en as plus besoin que lui ... IRENE (revenant de la cuisine et brandissant les haltères) : Mais comme c'est mimi, maman ! de penser à moi ! Tu vois, tu fais déjà des efforts ! LA MERE : De rien ! IRENE : Et c'est pour qui la grenouillère que j'ai trouvée sur la table ? LA MERE : A ton avis, ingrate ! qui veut mettre au monde un monstre, dans cette famille ? IRENE : Roger sera content, je pense ! Je vais dans ma chambre tester les haltères ! (elle quitte la scène pour rejoindre l'autre pièce). LA MÈRE
LA MÈRE : Le sort en est-il jeté ? J'ai fait tout ce qui était en mon pouvoir pour revenir à une situation normale. L'autorité, la colère, la passion, le maternalisme, rien de tout cela n'a marché. Sous le prétexte d'une majorité absolue, il n'est plus possible de gouverner sa propre maison. J'ai fait des enfants, ce n'est quand même pas pour les mettre à la porte, bien que des fois l'envie me tenaille ... Si j 'étais sûre que ces lourds secrets ne traversent pas les murs, je serais plus tranquille, mais une indiscrétion est si vite arrivée ! L'argent peut-il taire la honte ? Il semble pourtant que c'est ça qui gouverne le monde, les esprits et la société en particulier. La ruée de l'or n'est rien en comparaison de ce que permet l'argent : cela achète même la raison. Il n'est pas dit que j 'ai tort dans mon obstination, et je serai jusqu'à la fin contre leur avis, ne serait-ce que pour donner une bonne éducation au petit que Roger va mettre au monde... Mais ... rira bien qui rira le dernier, car dans l'absurdité des choses le destin a son mot à dire, et j'espère qu 'il le dira haut et fort ! (à ce moment, la sonnerie retentit de la
porte d'entrée retentit. Gisèle ouvre. Apparaît Claudine,
toujours aussi sexy, mais plus déterminée que la première
fois)
SCENE 12 LA MERE, CLAUDINE
CLAUDINE : Attendez avant de me fermer la porte au nez, madame ! Je comprends votre réaction de la dernière fois, mais sachez que quoique vous disiez, vous ne pouvez empêchez l'irrémédiable se produire ! Qui êtes vous donc pour vous opposer aux sentiments légitimes de votre fille ? vous n'êtes que sa mère, pas sa conscience que je sache ! Laissez-la décider de son avenir sentimental, elle est majeure et vaccinée, et LA MERE (lui coupant la parole) : Oh, là ! tout doux, s'il vous plait, tout doux ! je suis d'accord avec vous ! CLAUDINE (interloquée) : Comment ? Vous êtes d'accord LA MERE : Oui ! je suis d'accord et je constate une chose : être mère ne suffit plus pour être écoutée, au contraire ! Ca en devient même un handicap ! Il suffit de décider d'une chose pour ne pas être obéie ! Alors, ma petite, je m'en tape complètement de l'avenir d'Irène et de Roger ! Qu'ils aillent au diable, et vous avec ! CLAUDINE : Alors, je peux aller voir Irène dans sa chambre ? vous n'y voyez pas d'inconvénient ? LA MERE : Non, non, allez-y ! De toutes
façons, c'est moi qui part. (tombé de rideau)
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