PIECE DE THEATRE

Vaudeville

par Pierre BRANDAO

HERMAPHRO - DITES ? ? ?

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A C T E 3

PERSONNAGES :

- LE PERE
- LA MERE
- ROGER
- IRENE
- CLAUDINE
- LE PSY
- UN ANONYME
- PASCAL
- LE PREMIER BRANCARDIER
- LE DEUXIEME BRANCARDIER

 

SCENE 1

Environ six mois ont passé. Le terme de la grossesse de Roger est proche. La pièce est la même que pour les actes précédents, mais tout le mobilier a été changé ; l'acajou est preuve de richesse obtenue, un superbe sofa a été installé au milieu du salon. Des photos montrant l'évolution des enfants sont clouées sur le mur.

Actuellement,Roger est installé sur le sofa, le ventre gros ; Irène feuillète des brochures de musculation : elle porte la moustache, et ses cheveux sont coupés. Un pantalon cuir moulant atteste de la présence d'organes inexistants auparavant Seule un reste de poitrine laisse deviner qu'auparavant Irène était bien une fille. A ses côtés se trouve Claudine, qui semble avoir profité de la situation, sa tenue vestimentaire étant restée sexy mais plus chic.

Le père est assis derrière son bureau. Face à lui, des tas de papiers. Mais contrairement à l'acte 1, son front n'est pas renfrogné, mais plutôt heureux. Il compte.


LE PERE, ROGER, IRÈNE, CLAUDINE


LE PÈRE : Super ! Si mes comptes sont bons, on a reçu en moyenne vingt personnes par jour, durant six mois, pour une rentrée moyenne de trois mille francs par visiteur, ce qui donne exactement dix millions huit cent soixante mille francs de gains... De plus, je ne compte pas tous les gains obtenus suite aux publications des journaux, pour le droit à l'image…

ROGER : Mais nous avons une perte inestimable ... C'est maman ...

LE PÈRE : Ne t'inquiètes pas ... Lorsque ta grand-mère lui coupera les ponts, elle reviendra vite vers nous ... Tu sais bien qu'elle ne peut se passer de rouge à lèvres ... Et pour se réconcilier, nous lui offrirons tout de même ce voyage dont elle ne voulait pas.

ROGER : Je me demande si elle n'a pas eu raison ... Car franchement, ce morpion dans mon bide, il m'exaspère ! Depuis le troisième mois, je ne passe pas une nuit tranquille, car il me réveille avec ses coups de pieds ... Ce n'est pas parce que je ressemble à un ballon de football qu'il lui faut marquer des buts ! J'en ai vraiment marre, et tout l'argent du monde ne remplacera pas ma tranquillité.

IRENE : Une fois ta délivrance, Roger, tu n'y penseras plus. Et tout ce qu'on s'est mis de côté est quand même une juste compensation. A la fin d'une année, nous serons quasiment millionnaire, ce n'est pas mal, n'est-ce pas ?

CLAUDINE : Comme ça, tu ressens vraiment ce qu'une femme endure lorsqu'elle porte et accouche d'un bébé ! C'est pas trognon, ça ?

ROGER : Ce qui me console, c'est que tu vas endurer la même chose d'ici quelques années ! Car vu comment t'est fichue, tu vas vite mettre le paletot sur quelqu'un !

CLAUDINE : Je ne suis pas pressée, Roger… Je profite d'Irène pour le moment…

IRENE : Claudine, je t'ai déjà demandé de m'appeler Claude ; n'oublie pas, c'est pour te faire plaisir que j'ai pris ce prénom androgyne…

CLAUDINE : Oui, Claude, excuse-moi ! Le temps de m'y faire, et promis, je ne me tromperai plus…

ROGER : Oui, ben pour moi, ça ne va pas être de la tarte… Aïe ! Mais qu'est-ce qu'il a à me donner des coups de pied, ce morveux, à l'intérieur !

LE PERE : Fais attention à ce que tu dis, Roger ! Il comprend déjà tout, y compris les insultes !

ROGER : Bon sang ! Si j'avais pu deviner ce calvaire, jamais je ne serai sorti de la maison le jour où j'ai rencontré ce travesti !

CLAUDINE : Dis-moi, tu ne m'as jamais raconté comment cela s'est passé ?

ROGER : Vaut mieux oublier, crois-moi ! Tout ce que je me souviens, c'est du morbide hôtel dans lequel elle m'a emmené, près de la place Pigalle…

CLAUDINE (intéressée) : près de la place Pigalle… ce ne serait pas l'hôtel appelé " Aux échanges contre-nature " ?

ROGER : Tiens, maintenant que tu me le dis…Si… ça avait bien ce nom-là… Mais comment le sais-tu ?

IRENE (sortant le nez de son bouquin) : Oui, par exemple, Claudine ! Comment le sais-tu ?

LE PERE (intéressé) : Tu connais cet hôtel ?

CLAUDINE (satisfaite de l'effet produit) : Bien sûr que je le connais… Et allez, il est bien tenmps de tout vous avouer maintenant…

ROGER (surpris) : Nous avouer quoi ? ? ?

IRENE (tout aussi surprise) : Oui, nous avouer quoi, Claudine ?

CLAUDINE : Et bien, telle que vous me voyez là, je n'ai pas toujours été comme ça…Il fut un temps où l'on m'appelait Claude....

ROGER : Non !

CLAUDINE : Et bien si ! avant, je m'appelais Jean-Claude, précisment ! Et c'est moi le travesti qui t'ai fait ce cadeau ! Ce n'est pas pour rien que j'ai cherché à m'incruster dans votre maison, et que j'ai fait croire à Irène que je m'intéressais à elle ! Mon seul but était de voir ce qu'il en retournait, et franchement, je ne m'attendais pas à ce que Roger mette au monde un enfant ! Ma foi, vous vous en êtes bien sortis, et je ne vois pas pourquoi je ne profiterai pas de la plus grosse part du gâteau, puisque je suis le géniteur du futur enfant de Roger ! et vous savez quoi ? cet argent, il va me servir pour une opération chirurgicale et je vous laisse deviner de laquelle il s'agit !

ROGER : C'est pas vrai ! C'est un cauchemar ! Je vais lui casser la…!

IRENE : Ne bouge pas trop, Roger ! Tu vas perdre notre investissement !

LE PERE (aidant Roger à se rasseoir) : Calme-toi ! On ne peut rien faire pour le moment ! on verra plus tard avec un avocat !

CLAUDINE : Alors là, vous allez vous amuser, j'ai déjà pris mes dispositions et c'est clair : vous perdrez car je suis considéré comme la mère de l'enfant !

IRENE : Là, tu me dégoûtes, Claudine, je pensais que tu t'intéressais à moi pour moi, et non pour le fric…

CLAUDINE : Eh oui, Irène ! je t'ai laissé croire que te faire l'amour plus tard, une fois ensemble, serait la plus belle preuve d'amour... tu comprends mieux pourquoi maintenant ! Je vais vous laisser à vos pleurnicheries… Je crois que je me suis bien amusé parmi vous ce soir ! Je repasserai prendre des nouvelles du petit, lorsque le moment propice arrivera !

(elle sort).



SCENE 2

LE PERE, ROGER, IRENE


ROGER : Ca alors ! Je crois que ça va encore plus me perturber cette histoire-là ! Je viens de faire connaissance avec le père de mon enfant !

IRENE : Tu ne peux savoir ce que ces mots semblent drôles dans ta bouche !

ROGER : Drôles ? Merci ! Ce n'est pas toi qui va souffrir !

LE PERE : Mais arrête donc de te plaindre ! Tu n'as qu'à penser que le fric va te permettre de te payer tout ce que tu veux, y compris les services des meilleures nounous !

ROGER : Rien que de le dire, ça soulage ma douleur ! J'aurai quand même pu éviter ces frais, si maman était restée… Il est clair que je ne pourrai jamais faire une bonne mère, moi !

LE PÈRE : Je t'aiderai, comme promis ...

IRÈNE : Tu lui donneras le sein...

LE PÈRE : Non, mon lait n'est pas bon ... Ah, idiote ! Arrête de me prendre pour ce que je ne suis pas ! Et sache que c'est facile de trouver une mère nourricière ; de plus, les biberons, ça existe !

ROGER : On verra bien en temps voulu. Ce qui est sûr, c'est que j'ai bien envie d'essayer ma 306 Cabriolet, et que je ne le peux pas à cause de ma sciatique ...

IRENE : Sciatique de femme enceinte, c'est pas grave !:

ROGER : Tu es mal placée pour te moquer de moi, car le moins que l'on puisse dire, c'est qu'avec ton visage de gonzesse et ces moustaches d'homme, tu fais tâche au décor ! Franchement, tu me répugnes ! Mes copains ne rêvaient que d'une chose : c'est de t'avoir dans leur lit ! maintenant ils ne désirent plus qu'une chose : te fuir, et rigoler !

IRÈNE : Comment ça ? Ils savent ? Tu avais promis de te taire !

ROGER : Heu ... oui ... Et bien ...

LE PÈRE : Tu n'as pas pu tenir ta langue, Roger ! C'est scandaleux ! Ecoute, Irène, tu peux lui demander des dommages et intérêts ! C'est ton droit !

IRÈNE : Non, ce n'est pas la peine ... De toute façon, ça se serait su un jour ou l'autre dans notre entourage ... Au moins, je n'aurai plus à me cacher ...

ROGER : Dis-moi, qu'es-tu en train de lire ? On dirait un bouquin pornographique ? Tu vas te lancer dans ce genre de cinéma ou quoi ?

LE PÈRE (prenant le livre des mains d'Irène) : et en plus, c'est un bouquin spécialisé de gays !

IRENE : Et alors ? C'est juste de la curiosité… Je vous rappelle que je ne sais pas exactement comment c'est fait, un homme, il faut bien que je découvre ce qui va me pousser entre les deux jambes ...

ROGER : Vu les formes que tu as, c'est vrai qu'on dirait un zizi de bébé…

IRÈNE : Fais attention qu'il ne t'arrive pas la même mésaventure lorsqu 'il sera à maturité !

LE PÈRE : C'est pas une mauvaise idée ça !

ROGER : Non mais ça ne va pas ! Une fois, mais pas deux !

IRENE : Alors fais très gaffe à tes propos, car je peux être très très susceptible ...

ROGER : Je ne connais pas cet " eptible " dont tu parles, mais ça te regarde si tu veux le…

LE PERE : Ca suffit tous les deux : pas de vulgarité gratuite dans cette maison ! Ca sonne ! Irène, remets ta cagoule, et toi, Roger, tes lunettes noires et le chapeau.

IRENE : Ne psychoses pas ainsi, Papa, attendons voir de qui il s'agit !

LE PERE : Comme vous voudrez, après tout, c'est vous qui voulez rester dans l'incognito ! Allez, préparez vous à vous couvrir si c'est un visiteur payant...



SCENE 3

LE PSY, LE PERE, ROGER, IRENE


LE PERE : Bonjour, monsieur, mais ... il me semble vous connaître ? Mais vous êtes le psy FALUS ! Le parrain d'Irène ! Où sont passées votre redingote et votre trousse à médecine ? Vous ne ressemblez plus à celui qu'on connaissait !

LE PSY (en tenue très décontractée) : Effectivement, j'ai décidé de quitter la médecine. Je ne me sentais plus en corrélation avec le serment d'Hippocrate.

IRENE : Ce ne serait pas plutôt Hippocrate qui vous aurait demandé des comptes, plutôt ?

LE PSY : C'est bon Irène, il y a du monde, hein ?

LE PERE : Et que faites-vous, maintenant ?

LE PSY : Je m'intéresse à la spiritualité…

ROGER : Vous venez faire des expériences chez nous ?

LE PSY : Je ne vois pas très bien ... Que voulez-vous dire ?

IRENE : Rien, rien ... Roger divague encore ! Que nous vaut votre visite ?

LE PSY : Juste une visite... de courtoisie ...

IRENE : Je sens comme une hésitation... et je suis la seule à vous tirer les vers du nez, n'est-ce-pas Honoré ?

ROGER : J'ai l'impression qu'elle vous connaît Honoré FALUS ; dites, c'est drôle ça, Honoré Falus ! Vos parents étaient-ils clowns pour vous choisir un pareil prénom…

LE PSY : Non, et encore ils ont du changer au dernier moment…

ROGER : Ah bon ? ils avaient pensé à quel prénom ?

LE PSY : Je préfère le taire, je sens que vous allez vous moquer…

ROGER (très sérieux) : Bien sûr que non ! on ne se moque pas d'un ancien médecin en psychologie qui nous a vus grandir !

LE PSY : Et bien, ils avaient pensé m'appeler Urbain…

ROGER (comme ayant un déclic) : Urbain… FALUS Urbain ! Ah oui, j'ai compris ! Mais c'aurait été aussi bien, ça, puisque vous êtes devenus un homme public !

LE PERE : Remarquez, ils auraient très bien pu choisir Salomon, et vous auriez pu souvent dire : " il est sale, ô mon phallus " !

ROGER : Et puis, s'ils vous préféraient sans prétention, ils auraient choisi " Justin ", hein ? Juste un phallus !

LE PERE : Ou au contraire, s'ils le voulaient prétentieux, ils vous auraient prénommé Ulrich ! Ulrich Falus !

IRENE (intervenant) : Là tu es lourd papa ; et puis, vous n'êtes pas sympa de vous moquer d'Honoré. S'il était une femme, vous ne pourriez pas trouver d'aussi stupides jeux de mots !
Il aurait été appelé Ida, ce qui ferait une belle association : FALUS-IDA ; ou aussi Edith, ce qui permettrait de comprendre pourquoi il pense toujours au sexe…

ROGER (n'ayant pas compris) : Comment ça ?

IRENE : ben oui, Edith Falus : Falus, Falus, Falus…

ROGER : Ah j'ai compris !

LE PSY : Désolé de ne pas rire avec vous, je n'ai pas tout suivi… et je préfère ne pas chercher à comprendre. Et bien, voilà. J'ai quitté ma profession, par pur ras-le-bol…

IRENE : C'est ça, on est sensé vous croire, je suppose…

LE PSY : Aujourd'hui, je vis sur mes réserves. Alors je me suis souvenu de l'invitation d'Irène ... Elle m'avait proposé de venir autant de fois que je le souhaitais ...

LE PÈRE : Cinq fois gratuitement ... Cinq fois seulement !

LE PSY : Mais j 'ai surtout pensé que c'est grâce à moi que vous avez fait fortune... Car sans moi, votre mère aurait tout fait tomber à 1 'eau ... Ne croyez vous pas qu'il soit juste que j'ai ma part du gâteau ? Les fonds dont je dispose vont vite être réduits à néant…

IRENE : Vous n'aviez qu'à être fourmi plutôt que d'être cigale ! Prenez-en qu'à vous !

LE PSY : Ce qui est fait est fait… Mais aujourd'hui, je dois trouver une solution, et c'est vous qui m'apportez la réponse .

IRENE : Comment ça ?

LE PSY : Je lis les journaux ! J'ai très bien compris votre manège. D'après ce que je sais, vous tenez à votre anonymat ; hors, je suis l'une des rares personnes à pouvoir dévoiler votre existence aux journaux intéressés, qui n'hésiteront pas à m'acheter très chère cette information… Aussi, je crois que mon silence vaut son pesant d'or, n'est-ce pas ?

IRÈNE : Alors vous ! Vous êtes persévérant dans la bêtise ! Dois-je vous remettre en mémoire quelque bon souvenir ...

LE PSY : Qu' importe ! Puisque j 'ai quitté de moi-même la profession ! Je ne risque plus la foudre de mes supérieurs ! Donc j e n'ai plus rien à cacher !

ROGER (intervenant) : Vous semblez bien hardi, Alan. Surtout pour parler comme ça devant mon père et Irène ! Vous n'avez peut-être plus à rendre compte à votre hiérarchie, mais je pense que la justice des hommes serait intéressée…

LE PSY : Tu… tu te souviens…

ROGER (emmenant à l'écart le psy et parlant bas) : Comment ça ? si je me souviens… vous savez comment on appelle ce genre de pratiques ?

LE PSY : C'était juste la volonté de te faire ton éducation…

ROGER : Bien voyons ! Cela porte un nom devant le tribunal, et vous le savez n'est-ce pas ?

LE PSY (bas) : Alors voilà ! je te rends service, et c'est de cette façon que tu me remercies !
(haut)
Puisque c'est comme ça, je pense que je n'ai plus rien à faire ici ! Adieu à tous !

ROGER : C'est ça ! vous pouvez oublier le chemin de la maison !

IRENE : Quel dommage tout de même que la Santé soit aussi mal servie !

LE PERE : Tant qu'il n'y a pas d'argent à lui donner, moi, le reste !

(le père raccompagne le psy à la porte, et au moment où il sort, un individu force le passage…)

 

SCÈNE 4

LE PÈRE, ROGER, IRÈNE, UN ANONYME

 

LE PERE (paniqué) : Attendez, monsieur, attendez... Les enfants Attention ! Couvrez--vous !

(l'intrus pénètre brusquement, muni d'un appareil photo : il flashe Roger et Irène, tellement paniqués qu'ils mettent un temps fou pour remettre leur déguisement)

Non, monsieur, non ! Pas de photos ! Il ne faut pas qu'on les reconnaisse !

L'ANONYME : Trop tard, monsieur C'est dans la boite ! Et vous n'avez pas compétence pour me confisquer mon appareil ! Alors, bas les pattes !

LE PÈRE : Oh, non ! Vous n'êtes pas un journaliste, au moins ! Un pardessus, des lunettes sombres, un chapeau feutré ... Aie Aie Aie ! Ici Paris est là ! Fini la tranquillité les enfants ! Tout le monde saura tout !

L'ANONYME : Vous n'y êtes pas monsieur ! Regardez moi bien ...
(il baisse un peu les lunettes)
Me reconnaissez-vous ?

LE PERE (fixant l'individu) : Vous êtes ... vous êtes ... mais vous êtes le ... Encore !

L'ANONYME : Oui ! La dernière fois, j'avais oublié mon appareil ! Mais taisez-vous ! Vous comprenez que mon silence dépend du votre. Je suis là incognito, car toutes les bizarreries de la nature m'intéresse, comme je vous l'ai déjà dit...

LE PERE : Je sais, monsieur le Sous-…

L'ANONYME : Taisez-vous ! Même vos enfants ne doivent pas savoir... J'espère que vous ne leur avez pas dit ? Alors, les voilà donc, ces deux phénomènes ...

LE PERE : Oui, oui... monsieur le sous-...

L'ANONYME : Taisez-vous donc ! il n'y a pas ici de personnalité éminente ! juste un quidam comme les autres !

LE PÈRE : C'est ce que je voulais vous entendre dire. Alors cela fera trois mille francs pour la visite, monsieur.

L'ANONYME : Vous ne perdez pas le nord, vous ! Tenez, il doit y avoir cinq mille francs. Gardez la monnaie, et comme vous avez le sens des affaires, j'aimerai vous employer à mon service...

ROGER : Son service ? En deux mots alors ! Car c'est vrai qu'il le sert bien, le vice !

IRENE : En tout cas, papa lui fait le coup à chaque fois, et ça marche encore ! On pourrait lui faire une carte de fidélité !

L'ANONYME : Alors, où en sommes-nous aujourd'hui Irène ? Dis-donc, ça prend belle forme maintenant ... tu ne veux toujours pas te déshabiller pour me montrer l'évolution ...

IRÈNE : Je ne voudrais pas vous rendre complexé, monsieur. Croyez-moi, il vaut mieux vous contenter de ce que vous apercevez, ça ne pourra que mieux nourrir votre imagination.

L'ANONYME : Quelque part tu as raison ... un fantasme n'est parfait que lorsqu'il n'est pas réalisé ... Et toi, Roger, comment se porte le bébé ?

ROGER : Oh, lui, ça va ! Merci de vous occuper de ma santé, ça fait plaisir !

L'ANONYME : Oui ... Non ! Je veux dire ... tes problèmes de dos, de sciatique, enfin, tout ce que tu me racontais la dernière fois... tu le supportes mieux ?

ROGER : C'est toujours pareil ... franchement, je vais finir par croire que vous vous intéressez vraiment à moi... Vous voulez être le parrain du petit ?

L'ANONYME : Le par un ? Quelle horreur ! Pour moi tout marche par deux ! Imagine que tu aies des jumeaux !

ROGER : Ca ne va pas non ? Je vais vous donner une adresse, celle où l'on m'a conçu ce fœtus horrible !

LE PERE : Quoique… on aurait pu demander le double pour les visites…

L'ANONYME : Alors, c'est pour quand cette naissance ?

ROGER : Dans les prochaines heures, nous attendons les brancardiers car le médecin préfère m'avoir à sa disposition pour cet accouchement anormal. Et pour la césarienne, c'est préférable.

L'ANONYME : C'est pour te mettre en confiance, Roger. Mais après la naissance du petit, comme tu redeviendras un homme, un vrai, viens me voir, je ferai de toi mon secrétaire particulier... Parce que je suppose que tu aimes servir ... n'est-ce pas ?

ROGER : Pardon ? Ca veut dire quoi au juste ?

LE PÈRE : Excusez-moi, monsieur, mais le temps imparti est dépassé. D'habitude je suis sévère, mais votre visite étant particulière, je serai clément ...

L'ANONYME : Oui ... Oui... vraiment intéressants, vraiment exceptionnels ... Merci de nous faire profiter de cela, monsieur, et les enfants, si je peux je reviendrai ...

LE PERE : C'est par ici, monsieur ...

L'ANONYME : Oui, allez, au revoir ... Bonne chance, Roger... Bonne métamorphose, Irène... Ce sera toujours un plaisir pour moi de vous recevoir, croyez-le bien !

LE PÈRE : Attendez avant de partir, monsieur ! Vous oubliez quelque chose…

L'ANONYME : Ah oui, c'est vrai ! Excusez-moi ! voilà pour vous.

(il sort.)

 

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